Roberto Zucco suivi de Tabataba – Coco by Koltès Bernard-Marie

Roberto Zucco suivi de Tabataba – Coco by Koltès Bernard-Marie

Auteur:Koltès, Bernard-Marie [Koltès, Bernard-Marie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française, La Gang™, Théâtre
Éditeur: Minuitt
Publié: 2014-04-26T22:00:00+00:00


XI. LE DEAL.

À la réception de l’hôtel du Petit Chicago.

La patronne dans son fauteuil, et la gamine qui attend.

LA GAMINE. – Je suis laide.

LA PATRONNE. – Ne dis pas de sottises, canard.

LA GAMINE. – Je suis grosse, j’ai un double menton, deux ventres, des seins comme des ballons de football, et quant aux fesses, heureusement qu’elles sont derrière nous, comme ça on ne les voit pas. Mais je suis certaine qu’elles sont comme deux jambons qui balancent à chaque pas que je fais.

LA PATRONNE. – Veux-tu te taire, petite sotte.

LA GAMINE. – J’en suis sûre, j’en suis sûre ; je vois bien, dans la rue, les chiens qui me suivent la langue dehors et de la bave qui dégouline de leur gueule. Si je les laissais faire, ils croqueraient là-dedans comme à un étalage de boucherie.

LA PATRONNE. – Mais où vas-tu chercher cela, petite dinde ? Tu es jolie, tu es ronde, tu es potelée, tu as des formes. Crois-tu que les hommes aiment les branches d’arbre sec qu’on a peur de casser en les prenant dans la main ? Ils aiment les formes, ma petite, ils aiment les formes qui leur remplissent bien la main.

LA GAMINE. – Je voudrais être maigre. Je voudrais être une branche d’arbre sec qu’on a peur de casser.

LA PATRONNE. – Eh bien, pas moi. Et puis, tu es ronde aujourd’hui, tu peux être maigre demain. Une femme change, dans sa vie. Elle n’a pas besoin de s’en occuper. Quand j’étais gamine comme toi, j’étais maigre, maigre, on voyait presque à travers moi, juste un peu de peau et quelques os. Pas l’ombre d’un sein. Plate comme un garçon. Cela me mettait dans une colère, car à cette époque je n’aimais pas les garçons. Je rêvais de m’arrondir, je rêvais d’avoir de jolis seins. Alors je me mettais une poitrine en carton que je fabriquais moi-même. Mais les garçons l’avaient bien repéré et, chaque fois qu’ils passaient devant moi, ils me lançaient un de ces coups de coude dans le sein qui l’écrasait complètement. Au bout de quelques fois, j’ai mis une aiguille à l’intérieur du sein, et ça a crié dans les chaumières, tu peux me croire. Et puis, tu vois, tout s’est mis à s’arrondir, à se remplir, et j’étais bien contente. Rassure-toi, mon étourneau : tu es ronde aujourd’hui, tu peux être maigre demain.

LA GAMINE. – Peu importe. Aujourd’hui je suis laide, grosse, et je suis malheureuse.

Entre le frère, en conversation avec un mac. Ils ne jettent pas un regard à la gamine.

LE MAC (impatient). – C’est trop cher.

LE FRÈRE. – Ça n’a pas de prix.

LE MAC. – Tout a un prix, et le tien est beaucoup trop élevé.

LE FRÈRE. – Quand on peut mettre un prix sur quelque chose, ça veut dire que ça ne vaut pas grand-chose. Ça veut dire qu’on peut discuter, baisser, monter le prix. Moi, j’ai fixé le prix abstraitement parce que ça n’a pas de prix. C’est comme un tableau de Picasso : tu as déjà



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