Rive Gauche by Pierre Bordage

Auteur:Pierre Bordage
La langue: fra
Format: epub
Tags: FICTION / Science Fiction / Général
Éditeur: L'Atalante
Publié: 2020-04-29T16:00:00+00:00

Bil le cordeur ne s’était pas présenté au deuxième rendez-vous. Otre se demandait s’il avait effectué le petit travail pour lequel elle l’avait déjà en partie rémunéré. Il lui avait pourtant semblé fiable, du moins intéressé, pas du genre à dédaigner trois cents tickets. Peut-être avait-il eu des ennuis avec les servants. Peut-être l’avaient-ils surpris devant la cage d’Aube et l’interrogeaient-ils en ce moment pour savoir qui avait commandité l’évasion de l’ancienne maîtresse du pasteur. Peut-être remonteraient-ils jusqu’à elle. Elle ne risquait pas une condamnation à l’élévation anticipée, pas tant qu’elle serait membre du Conseil parnassien en tout cas, mais ils pourraient tenter de l’éliminer en toute discrétion par le poison ou un tueur déguisé en vagabond. Elle puiserait dans sa réserve de tickets pour renforcer la surveillance autour d’elle, aiguisant encore une méfiance qui confinait déjà à la paranoïa. Elle comptait également sur Ésia pour la prévenir des manœuvres de ses ennemis. Après l’épisode malheureux de son intervention au Conseil, la dvinn semblait de nouveau lui accorder sa confiance.

Les petites souris de son réseau ne lui avaient rien appris de nouveau au sujet de Madone, et elle avait perdu son meilleur élément en la personne d’Aube. Même si le cordeur était parvenu à la délivrer de sa cage, la jeune femme devrait quitter rapidement Montparnasse où elle était désormais grillée. Otre la regretterait. Elle ne savait toujours pas comment le pasteur avait découvert le triple jeu d’Aube, et elle se sentait désormais vulnérable, en position de faiblesse. Parn détenait sans doute dans son jeu une carte qu’elle ne connaissait pas.

Des coups ébranlèrent la porte de son logement. Son sang se glaça tandis qu’une tempête de pensées se levait à l’intérieur de son crâne. Plusieurs scenarii catastrophiques se détachèrent de son tourbillon intérieur, puis s’agrégèrent en deux hypothèses principales : les représailles du pasteur ou une attaque commanditée par Lej et ses complices du Conseil.

Les coups résonnèrent de nouveau. Le visage d’Ésia, alertée par le vacarme, se découpa dans la pénombre quelques pas plus loin.

« Retourne dans ta chambre, lui souffla Otre. J’ai peur que ce soit dangereux pour toi.

— L’homme qui frappe à la porte n’est pas un ami, mais il ne vient pas en ennemi, déclara la dvinn.

— Dans ce cas, cache-toi dans un coin et reste attentive. »

Ésia se coula dans un recoin d’obscurité. Otre se rendit près de la porte et attendit que les battements précipités de son cœur se calment un peu, puis elle tira les deux verrous principaux, tourna la poignée et entrouvrit le lourd panneau de bois. Escorté par deux hommes aux barbes fournies et aux brassards noirs noués sur les manches de leurs tuniques blanches, l’homme qui se tenait sur le seuil ne correspondait à aucune de ses deux hypothèses. Otre entrevit les kalaches des deux gardes du corps qui se tenaient légèrement en retrait dans la pénombre et se contint pour ne pas refermer précipitamment la porte.

« Pardonnez-moi de frapper chez vous sans y avoir été convié, madame, mais je souhaite m’entretenir en toute discrétion avec vous.

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