RESURRECTION DE MOZART (LA) by Nina Berberova

RESURRECTION DE MOZART (LA) by Nina Berberova

Auteur:Nina Berberova
La langue: fra
Format: epub
ISBN: bd0b334c40c59fdb341dfdf9b6164f1ba8d03225
Éditeur: Éditions Actes Sud
Publié: 2017-07-14T16:00:00+00:00


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* Paroles de Salieri (voir Pouchkine, Mozart et Salieri, 1826-1830). (N.d.T.)

** “Je m'en vais tout seul sur la grand-route”, Lermontov, 1841. (N.d.T)

Avant le déjeuner elle se demanda, inquiète, s'il n'était pas arrivé quelque chose : les volets et la porte étaient toujours fermés. Etait-il possible qu'il dorme encore ? Peu avant quatre heures, alors qu'elle attendait le retour de Vassili, elle alla voir de nouveau si son hôte ne s'était pas levé. Elle entrouvrit la porte de la minuscule entrée, puis celle de la chambre. L'homme dormait, il respirait régulièrement. Il n'avait ôté aucun de ses vêtements, pas même ses bottes. Il était couché sur le dos, en travers du large matelas, sa tête reposait à côté de l'oreiller. Maria Léonidovna referma la porte.

Souchkov arriva en retard, car le train qui l'amenait de Paris avait stationné longtemps sur un pont. De la gare jusqu'à la maison, Souchkov avait porté sur son épaule large et musclée une grande valise, presque un coffre, avec les affaires rassemblées dans leur appartement parisien, et sans lesquelles il ne pouvait imaginer son existence, ni celle de sa femme. Il y avait là son manteau, la vieille fourrure en écureuil de Maria, des sous-vêtements chauds qu'il portait l'hiver, un album de photographies sur Prague (il avait longtemps séjourné en Bohême), des jumelles de valeur dans un écrin, une livre de figues sèches qu'il aimait avoir en réserve, une édition bien reliée des Lettres persanes de Montesquieu et la robe de soirée que Maria s'était fait faire à l'occasion d'un bal de charité où elle avait vendu du champagne. Maria fut surprise en voyant des sous-vêtements chauds et des fourrures au mois de juin. Mais Souchkov l'assura qu'on risquait d'être coupé de Paris ou obligé de fuir, et qu'alors on ne pourrait rien prévoir.

Fuir d'ici ? Oui, bien sûr, il faut fuir si tout le monde le fait. Les réfugiés de Soissons remballent leurs affaires, on traîne de nouveau le vieux vers l'auto. Elle prit le journal apporté par son mari, mais n'y apprit rien. Pendant ce temps, Vassili lui parlait sur un ton tendre et raisonnable. Tantôt il se mettait à discuter tout seul, tantôt lui faisait part de ce que Snijinski et Freiberg pensaient des événements. Ses propos étaient précis, justes, intelligents.

– Alors, ils sont partis, tes officiers ? lui demanda-t-il. Tu devais être inquiète.

– Ils sont partis, mais depuis hier il y a un... (elle voulut dire un “type”, mais ne le put), il y a un homme qui loge dans l'annexe. Tranquille, il ne fait que dormir. Il a dû faire cent kilomètres à pied.

– Mon Dieu, tu restes seule avec mon crétin, et tu n'as pas peur de laisser entrer des étrangers ! s'écria-t-il, ne mâchant pas plus ses mots que d'habitude, dès lors qu'il s'agissait de Kirioucha

Il prit sa main, se griffa à un ongle pointu, la baisa plusieurs fois.

En fin d'après-midi Kirioucha raconta, dans un langage incohérent, que l'homme qui habitait l'annexe était parti. Une heure plus tard Maria Léonidovna l'entendit rentrer et s'enfermer de nouveau.



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