Resurrection Bay by Viskic Emma

Resurrection Bay by Viskic Emma

Auteur:Viskic, Emma [Viskic, Emma]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2019-10-08T07:07:03+00:00


18.

Il vit Kat par la fenêtre de la cuisine, concentrée sur un croquis. Deux tasses de thé étaient en train de refroidir à côté d’elle. Elle lèverait la tête dès qu’il ouvrirait la porte, verrait son visage et comprendrait immédiatement que quelque chose n’allait pas. Il s’arrêta et se tourna vers le jardin. Bon, Gary avait trompé Sharon. Ça pouvait arriver. Une erreur sous l’effet de l’alcool, un manque de discernement. Il avait dû le regretter tout de suite. À tel point qu’il n’y avait même jamais fait allusion.

Il aperçut une lueur rouge entre les arbres, quelque chose de métallique au fond du jardin. Ce devait être une des sculptures de Kat. Il quitta l’allée pour s’en approcher. Un peu de thérapie artistique ne lui ferait pas de mal. Il contourna un parterre de fleurs et s’arrêta net. Ce n’était pas une sculpture mais une paire de sculptures : deux jeunes arbres en métal rouillé et gommier rouge qui lui arrivaient à hauteur de hanche. Le feuillage en céramique vert-de-gris était surmonté d’une couronne rougeoyante de nouvelles pousses. Du bronze. C’était ça la solution. Il avait envie de l’embrasser tant elle était intelligente. Mais pourquoi ces sculptures étaient-elles cachées ici ? Elles auraient dû se trouver dans un jardin public pour être admirées de tous. Puis il comprit : deux jeunes arbres qui ne grandiraient jamais.

Elle avait eu l’air de si bien encaisser après la première fausse-couche, un peu moins bien après la seconde. Mais ensuite… Ensuite quoi ? Il n’en savait toujours rien. Il était temps de rentrer discrètement, sans lui dire qu’il les avait vues.

Kat ouvrit la porte de derrière alors qu’il traversait la pelouse.

– Désolé, dit-il en arrivant. J’ai tout fini, je vais préparer une autre théière.

Mais elle regardait par-dessus son épaule, en direction des jeunes arbres. Son visage se décomposa, révélant une vulnérabilité telle qu’il souffrit d’en être témoin.

– Tu as vu les jeunes arbres.

– Oui, ils sont magnifiques.

Ils restèrent comme ça un instant mais elle demeura dans l’encadrement de la porte.

– Et ? demanda-t-elle.

– J’aime beaucoup ce que tu as fait pour les feuilles.

– C’est tout ? Tu n’as vraiment rien d’autre à ajouter ?

– Je… Ils sont… Qu’est-ce que tu veux que je te dise, Kat ?

Elle recula et la friche qu’il avait aperçue toute la semaine s’ouvrit entre eux. Il s’était trompé quant à sa taille : elle n’était pas vaste mais minuscule. Assez petite pour la prendre dans ses mains.

– Tu parles couramment deux langues, Caleb. Tu vas chez l’orthophoniste une fois par mois pour t’en assurer. Tu as sué sang et eau pour être capable de dire tout ce que tu pouvais vouloir dire, alors parle-moi.

Il leva ses mains, mais elles étaient muettes.

– C’était quoi tout ça ? demanda-t-elle. Un petit coup en passant en souvenir du bon vieux temps ?

– Non ! Pas du tout, non.

– Alors quoi ? Je pensais que tu avais changé, je pensais vraiment… Mais tu refuses de me parler de Gary ou d’Anton, ou de ce qui visiblement t’a secoué chez Honey.



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