Réflexions Chinoises by Jean Levi

Réflexions Chinoises by Jean Levi

Auteur:Jean Levi [Levi, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2011-09-29T04:00:00+00:00


[1]. Jean Levi, Le Livre du prince Shang, IV, « De l’abaissement des grands », p. 74.

[2]. Zhanguoce, V, p. 432.

[3]. Laozi, LVII.

[4]. Cf. Jean Levi, Les Quatre Canons de l’empereur Jaune, « L’attitude de la poule et du coq », p. 193-195.

[5]. Sun Tzu, V, p. 68 ; 191-192.

[6]. Hanshu, 94B, p. 3834.

[7]. La Dispute sur le sel et le fer, LXVI 2, p. 237.

11.

Le roman des Trois Royaumes comme partie de go

Feng Menglong, auteur de nouvelles et compilateur de contes, n’avait pas hésité, au xviie siècle, à classer Les Trois Royaumes de Luo Guanzhong parmi les « quatre livres merveilleux » de la production romanesque – façon irrévérencieuse de le hisser au rang de classique. Quant à son contemporain Jin Shengtan, critique littéraire réputé, il le juge, dans une préface dithyrambique, le plus merveilleux des ouvrages historiques. Merveilleuse, l’œuvre l’est assurément par la fascination mystérieuse qu’elle a exercée, et exerce encore sur ses lecteurs. Les Trois Royaumes appartient à cette catégorie de livres dont le pouvoir d’envoûtement possède quelque chose de magique. Bien des critiques anciens et modernes le considèrent comme une des œuvres majeures de la Chine ; c’est lui qui jouit sans conteste de la faveur du public. Il fournit une mine inépuisable de locutions proverbiales et d’allusions historiques, et ses personnages, après avoir envahi le répertoire du théâtre, se sont à ce point vulgarisés qu’ils sont devenus des noms communs. Le trio des frères jurés Liu Bei, Zhang Fei et Guan Yunchang est aussi familier aux Chinois que les trois mousquetaires aux Français, et l’inquiétante figure de Cao Cao a troublé les rêves de maints petits Chinois de treize ans comme le cardinal de Richelieu est venu effrayer notre enfance. Car il y a assurément du Dumas père chez Luo Guanzhong, un Dumas qui se serait servi d’un canevas de Machiavel. Le peuple se délecte des prouesses de ses héros, les militaires y trouvent une foule d’enseignements tactiques ou stratégiques, les lettrés eux, y voient une réflexion sur la politique et la psychologie. Pourtant l’attrait que l’œuvre a exercé sur des générations de Chinois ne peut s’expliquer ni par sa construction, qui est des plus évanescentes, ni par son style, lequel manque singulièrement de relief, et encore moins par la subtilité de l’analyse des tréfonds de l’âme humaine, car les personnages semblent appartenir plus à un théâtre d’ombres qu’à un roman. À moins que ces faiblesses ne soient le revers d’une qualité plus rare, la profondeur se cachant sous les dehors d’une feinte simplicité. La fascination de l’œuvre tiendrait alors à la distance entre ce que l’auteur semble vouloir dire et les événements relatés. L’histoire des Trois Royaumes a si bien pénétré les interstices de la texture du récit fictif qu’elle surimpose au discours de l’auteur un autre discours, celui des faits. De cette tension entre le message apparent et la leçon du réel naît l’épaisseur romanesque. Les événements rapportés possèdent une force de démonstration telle qu’ils ont brisé le moule idéologique dans lequel l’auteur prétendait les enfermer.



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