Reconstruire du commun by Fabienne Martin

Auteur:Fabienne Martin [Martin Fabienne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: lèpre, Inde, Jodhpur, condition sociale, exclusion, communauté, vie quotidienne
ISBN: 9782735117840
Éditeur: Éditions de la Maison des sciences de l’homme, CNRS Éditions
Publié: 2020-03-26T20:47:36+00:00

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Loin de n’avoir à partager leur espace qu’entre eux, les résidents doivent aussi le partager avec d’autres, extérieurs à l’ashram, qui l’investissent pour quelques heures, à l’occasion de célébrations ou d’événements particuliers, voire pour quelques semaines, lors de l’envoi des missions de l’association française.

Un espace de représentation

Le matin du 31 juillet 1999. Depuis le lever du jour, chacun s’agite. On nettoie, on balaie, on rassemble en tas des pierres éparses, on déblaie l’entrée. Sur les coups de 10 heures des hommes arrivent dans des camionnettes chargées de matériel : de quoi monter une estrade, des banderoles fraîchement peintes, des dizaines de chaises pliables. Après avoir déplié une grande bâche de plastique au sol, ils y disposent les chaises face à l’estrade et recouvrent le tout d’un grand dais. Un tapis rouge est aussi déroulé depuis l’entrée. Les femmes de l’ashram, quant à elles, se préparent, revêtent un beau sari, habillent leurs enfants, huilent leurs cheveux et tressent ceux des fillettes avec des rubans aux couleurs vives. Aujourd’hui a lieu l’inauguration du premier bloc de logements, ces logements tant attendus par les familles et qu’elles vont enfin pouvoir investir.

Vers 11 heures 30 arrivent les premières voitures : les responsables de SMK, Parihar, de riches industriels de Jodhpur, des personnalités politiques locales. Des photographes, des journalistes de la presse locale et même de la chaîne télévisée Scat TV sont présents. Puis c’est le maharajah de Jodhpur qui fait son entrée, accompagné de son fils et de sa mère. Midi, la cérémonie peut commencer. Plus de deux cents personnes sont présentes, auxquelles s’ajoutent les résidents de l’ashram ; les premières ont pris place sur les chaises, les seconds par terre : les enfants devant, puis les femmes, les vieux lépreux et, un peu en retrait comme toujours, les hommes qui restent debout. À la tribune se succèdent les discours : Suresh Kaul qui revient sur les actions de SMK envers les lépreux, le maharajah qui a participé au financement de l’édifice, Subash alors secrétaire de l’ashram qui se confond en remerciements, un représentant de LEP qui retrace l’historique du projet et enfin Parihar qui se charge de lancer un appel aux dons pour la construction d’un second bloc de logements – il recueillera ce jour-là plusieurs dizaines de promesses. Sur fond de musique diffusée par une grosse sono, des guirlandes de fleurs sont ensuite remises aux personnalités siégeant sur l’estrade, accompagnées de poignées de mains et de prises photographiques. La cérémonie terminée, des plateaux repas sont distribués à l’ensemble des invités – la question d’un buffet avait été abordée mais l’option de mets à emporter avait finalement semblé plus adéquate : d’ailleurs, la plupart se contenteront de les prendre et de partir avec sans les avoir consommés.

Cette fois-ci, les résidents avaient été avertis au préalable qu’une cérémonie aurait lieu ; ils étaient non seulement concernés au premier chef, mais appelés à participer (le secrétaire fit un discours), et une place leur fut faite, même si elle ne pouvait se situer sur le même niveau, au sens littéral, que le reste des invités.

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