RÉZO by Laurent GENEFORT

Auteur:Laurent GENEFORT [GENEFORT, Laurent]
Format: epub

CHAPITRE VIII

Une rampe semblable à une sortie de parking nous mena dans un souterrain bas de plafond, éclairé par une veilleuse jaune. Le véhicule était un blindé léger flambant neuf, monté sur six grosses roues crantées, pas même maculées de boue séchée ou de poussière.

— C’est ce machin qui va nous faire traverser le Mississipi ? interrogea Annia, interloquée.

Le tripode se plaça devant le véhicule.

— Il est amphibie. J’espère seulement qu’il nous amènera à bon port, nous n’avons pas eu le temps de charger ses batteries.

— Comment va-t-on le conduire ?

— Ce n’est pas plus compliqué à conduire qu’une auto-tamponneuse.

Il prononça un mot-clef. La porte côté conducteur déplia un marchepied. Le tripode me précéda pour grimper sur le siège de passager, et appuya sur un bouton. La porte arrière se souleva, permettant à Annia de sauter à l’intérieur. Elle s’accroupit derrière moi.

Je saisis le volant avec ménagement. Le tableau de bord s’illumina, inscrivant des paramètres abscons.

— Là, fit Annia en montrant un panneau, sur ma droite.

Un témoin de charge clignotait rouge. La destruction du récepteur de micro-ondes de la ville avait interrompu le chargement des batteries.

Un léger bourdonnement monta du moteur. J’essuyai du plat de la main la buée sur le plexiglas de la meurtrière, pendant qu’Annia demandait à l’ordinateur de bord d’indiquer quelle distance nous pouvions parcourir, à vitesse maximum. Une EVAR répondit que les batteries ne permettaient pas d’atteindre cette vitesse, soit cent vingt kilomètres heure.

— La moitié suffira, affirma le tripode.

Je ne partageais pas son optimisme. Le blindé ne disposait d’aucune sorte d’armement. Quant à la protection qu’il pouvait nous offrir, je n’entretenais guère d’illusions là-dessus. Il fallait plus qu’un blindage conventionnel comme celui-là pour nous mettre à l’abri.

Le robot avait au moins raison sur le fait que le véhicule était effectivement très maniable. J’arrivai à le faire quasiment pivoter sur place, pour le mettre dans l’alignement de la rampe de sortie.

Celle-ci débouchait sur un chemin de terre qui s’enfonçait dans un sous-bois. Le tripode se haussa de manière comique sur ses pattes de faucheux, afin de regarder à travers la fente de la lucarne.

— Le fleuve est visible ? Vous le voyez ?

Le blindé n’était pas si pratique, après tout. Je grommelai :

— On n’a pas dû équiper cet engin d’amortisseurs dynamiques. La lucarne est si étroite qu’elle me permet tout juste de voir la route, et encore… Un chevalier du Moyen ge n’aurait pas distingué pire à travers la fente de son heaume.

Nous croisâmes un minibus autoguidé, renversé sur le côté. Personne à l’intérieur. Son flanc était constellé d’impacts. Plusieurs champignons en bois, portes grandes ouvertes, paraissaient également déserts.

— La fin de la forêt, annonça le tripode. Il reste une plaine à traverser. Et après, le fleuve.

— Attention ! cria Annia. Au bord du chemin !

Le sang se figea dans mes veines. À une centaine de mètres devant nous se tenaient deux soldats à cagoules noires. Mes mains se crispèrent sur le volant, provoquant une brusque embardée du véhicule, ainsi qu’un élancement violent dans mon épaule froissée.

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