Rachel au hockey by Anne-Marie Vertefeuille

Rachel au hockey by Anne-Marie Vertefeuille

Auteur:Anne-Marie Vertefeuille
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2015-09-17T00:00:00+00:00


DEUXIÈME PÉRIODE

C’est Marie-Sophie qui est venue m’accueillir à l’aéroport. Je ne l’avais pas vue depuis des années ni ne lui avais écrit depuis au moins quatre ans. Je n’avais pas voulu m’éloigner d’elle, je n’avais pas voulu ça, que nos lettres s’espacent, que l’on ne prenne même pas la peine de faire migrer notre relation sur le Web, pour un maximum de facilité et de proximité, comme si c’était préférable de garder le drame de la distance bien vivant. À croire que, finalement, cette amitié n’était pas plus importante que des contacts gardés avec une bande de soûlonnes avec qui j’avais fait quelques travaux d’équipe au cégep et qui m’invitaient pour une bière deux fois par année. Mais c’était tout faux. Ce trou blanc dans notre relation, se mesurant en nombre d’années, avait eu pour effet de garder notre amitié intacte, jeune et belle, sans chicane de gars, sans ce moment terrible où l’on découvre que l’on n’est plus des presque-sœurs, que l’on ne pense plus pareil sur tout, que l’on grandit en devenant des femmes différentes qui peuvent parfois se décevoir l’une l’autre. Entre Marie-Sophie et moi, il n’y avait que des gommes ballounes et des excursions à bicyclette, des soirées de danse folle dans sa chambre à sautiller sur le lit et à se lancer des coussins, des heures d’épanchements sur des beaux gars de l’école et un amour réciproque, inébranlable, pour toujours. C’est pourquoi je savais qu’en lui lâchant un coup de fil en plein milieu de sa nuit pour lui dire, la voix entrecoupée de sanglots de rage, que je m’en venais (dans les faits, ignorant qu’elle n’habitait plus chez ses parents, c’est eux que j’avais d’abord réveillés, et ils m’avaient refilé son nouveau numéro), elle n’hésiterait pas une seconde à me recueillir chez elle comme le petit chien mouillé à la tête surmontée d’éclairs que j’étais.

Quand je l’ai vue apparaître dans la zone des arrivées, j’ai momentanément oublié les frustrations que j’avais ressassées durant les sept heures du vol, de mon irritation causée par la respiration trop forte du voisin qui dormait en plus de sa grosse épaule qui débordait de son siège et me frôlait de temps en temps, jusqu’à mon amour fichu qui me faisait larmoyer lorsque j’y songeais plus d’une milliseconde. Je n’ai vu que mon amie. Marie-Sophie la jeune femme. Parfaite. Superbe blonde, maquillage parfait, cheveux parfaits, jupe fifties et ballerines assorties, son visage affilé, ses lèvres paraissant plus charnues avec le rouge à lèvres, ses beaux yeux de lagune ; elle était un soleil illuminant Charles-de-Gaulle ainsi que mon cœur d’enfant qui tentait de souffler sous le cadavre troué de mon cœur d’adulte. J’ai couru dans ses bras, je voulais lui demander pardon de l’avoir laissée tomber, j’étais tellement désolée de ne pas avoir fait plus attention, de ne pas avoir été la meilleure amie que j’aurais dû être, et j’ai éprouvé une pointe de jalousie insensée en songeant qu’elle avait, quelque part en France, une autre meilleure amie, une



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