Qui écrira notre histoire ? by Kassow & Samuel D. Kassow

Qui écrira notre histoire ? by Kassow & Samuel D. Kassow

Auteur:Kassow & Samuel D. Kassow
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: BERNARD GRASSET


Plus optimiste que Schiper, Ringelblum ne doutait pas que le monde allait croire ce qui était arrivé, dès lors qu’il serait confronté à des preuves solides. Il comptait amasser des archives dont le caractère systématique, l’objectivité et l’ampleur mêmes forceraient les « générations futures » à regarder la vérité en face.

L’unicité d’Oyneg Shabes

Les archives d’Oyneg Shabes sont les archives secrètes les plus importantes de la Pologne sous occupation nazie, mais ce ne sont pas les seules. Au ghetto de Vilna, des bibliothécaires et écrivains juifs – par exemple, Herman Kruk, Avrom Sutzkever et Shmerke Kaczerginski – réunirent et enfouirent des livres et des documents4. Dans le ghetto de Białystok, un jeune chef de la résistance, Mordecai Tenenbaum, qui avait très certainement eu connaissance d’Oyneg Shabes au cours de son bref séjour dans le ghetto de Varsovie, créa des archives qu’il intégra à l’organisation juive clandestine5. Dans le ghetto de Lodz, l’ancien du ghetto, Chaim Rumkowski, créa des archives dans le cadre de l’administration du ghetto et ferma apparemment les yeux alors qu’elles devenaient un centre majeur de témoignage et de documentation6. Le ghetto de Kovno constitua aussi des archives secrètes en étroite collaboration avec le Judenrat.

Une bonne partie des matériaux rassemblés dans ces archives survécut à la guerre. Le gros des archives du ghetto de Lodz furent retrouvées dans un puits asséché et dans une cache souterraine sous l’ancienne caserne des pompiers. (Les Allemands découvrirent une troisième cache et la détruisirent.) En 1944, Avrom Sutzkever et Shmerke Kaczerginski regagnèrent Vilna et exhumèrent de nombreux documents qu’ils avaient enterrés, ainsi que l’important journal de Kruk. A Białystok, Mordecai Tenenbaum avait confié les archives à un Polonais compatissant. Celui-ci disparut mais, par miracle, les archives refirent surface après la guerre.

Innombrables sont les individus qui décidèrent de leur propre chef de noter ce qu’ils voyaient. Dans des centaines de ghettos, de planques, de prisons et de camps de la mort, des Juifs solitaires et terrifiés laissèrent des journaux intimes, des lettres et des témoignages de ce qu’ils endurèrent. Pour chaque bribe de document retrouvé après la guerre, sans doute bien davantage de manuscrits ont disparu à jamais.

Mais les archives secrètes avaient bien plus de moyens que les individus solitaires. Elles tiraient leur force de l’énergie collective de travailleurs dévoués qui pouvaient unir leurs talents et se donner une hiérarchie de priorités et d’objectifs. Plus le personnel des archives était divers, et plus l’éventail de ses origines politiques et culturelles d’avant guerre était large, plus les archives avaient de chances de nouer des contacts fructueux et de trouver des sources d’information. Si elles n’étaient pas exemptes de toute arrière-pensée politique, les archives donnaient un sentiment de dessein commun propre à aplanir les rivalités. Un collectif pouvait mobiliser des ressources financières et obtenir plus aisément que des particuliers la protection de gens importants dans les conseils juifs ou les organisations d’aide sociale. Dans certains ghettos, les dirigeants juifs officiels et le personnel des archives nouèrent des relations complexes chargées de méfiance mutuelle même s’ils avaient besoin les uns des autres.



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