Promenades parisiennes by Mihail Sebastian

Promenades parisiennes by Mihail Sebastian

Auteur:Mihail Sebastian
La langue: fra
Format: epub
Tags: paris, xix century, mihail sebastian, romanian writers, strolls
Éditeur: Mihail Sebastian


Rampa, 23 janvier 1936

À PROPOS DU « BAS DE LAINE »

Mais comme je vous suppose français, c’est-à-dire un peu sordide*... Henry de Montherlant

Nous aimons parler de l’avarice des Français. Nous autres qui, même lorsque nous sommes pauvres, jetons l’argent par les fenêtres avec une extrême facilité, nous sommes surpris de les voir réfléchir pour le compter, l’épargner, le dépenser.

En vertu de quel paradoxe psychologique la nation la plus généreuse dans l’ordre spirituel engendre-t-elle les individus les plus économes dans la vie quotidienne ? Le bas de laine de Marianne est un symbole qui se répercute sur les moindres faits et gestes. Nous, nous ne pouvons pas les remarquer sans sourire. Ou, parfois, sans un certain dépit. Nous souhaiterions un peu de désinvolture, d’imprudence, de recul par rapport à l’argent.

Il est amusant par exemple de voir ce qui se passe dans un autobus ou un tramway à Paris. Les places de première restent toujours libres. La différence de tarif est de trente centimes seulement, mais cette somme représente une valeur très précise pour la mentalité française.

Tandis qu’à Bucarest, vous l’avez certainement remarqué, tout le monde se presse en première dans le tramway. Monter en seconde équivaudrait à une espèce de déshonneur et j’ai vu plus d’une fois des voyageurs debout dans la cohue pour payer un leu de plus, tandis que le wagon de seconde était vide.

Pour ce que l’on pourrait appeler la « psychologie de la rue », ce contraste entre tramways bucarestois et parisiens revêt une signification savoureuse.

À Paris, voyager en première me gêne s’il y a encore des places libres en seconde, sur la plate-forme. Je crains d’avoir l’air provocateur ou farfelu et de devoir supporter des regards ironiques.

Je connais une situation plus comique encore créée par le terrible esprit d’économie des Français. Je pense à l’aspect d’un foyer de théâtre au moment des entractes.

Le vestiaire est relativement cher aux spectacles. On paye un franc pour chaque objet. Un pour le manteau, encore un pour le chapeau, un troisième pour la canne ou le parapluie. C’est une habitude stupide et agaçante, mais on n’y peut rien.

Eh bien, le spectateur français a trouvé la solution. Il ne dépose au vestiaire que son pardessus, qui l’incommoderait trop, et il garde son chapeau, qu’il glisse sous son siège ou qu’il confie à sa femme. Si bien qu’à l’entracte le foyer est plein de messieurs à la mine grave, en smoking ou en jaquette et... le chapeau sur la tête. Ils ont trop chaud, ça leur déplaît, mais le franc est sauvé. (Le franc de leur poche, mais aussi celui de la Banque de France, maintenu à son niveau grâce à des mesures similaires, d’économie rigoureuse.)

« Mais comme je vous suppose français, c’es-tà-dire un peu sordide*... »

Le jugement de Montherlant est peut-être trop sévère. Il y a certes quelque chose de sordide dans de telles mœurs, mais tant d’actes généreux rachètent par ailleurs ces mesquineries absurdes !

Je vous parlais récemment de l’exposition de peinture flamande organisée à l’Orangerie. Le billet coûtait dix francs, une somme énorme pour une salle de peinture.



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