Pour un populisme de gauche by Chantal Mouffe

Pour un populisme de gauche by Chantal Mouffe

Auteur:Chantal Mouffe
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2018-07-06T16:00:00+00:00


Le « leadership » doit être sans cesse soumis à la Multitude, déployé et congédié quand les circonstances l’exigent. Si les chefs sont encore nécessaires et possibles dans ce contexte, ce n’est que parce qu’ils servent la Multitude productive. Il ne s’agit donc pas d’une suppression du leadership, mais d’une inversion du rapport politique qui le constitue, un renversement de la polarité qui relie mouvements horizontaux et leadership vertical25.

Par ce renversement, ils prétendent pouvoir éviter le problème sur lequel buttent toutes les formes de populisme, de droite comme de gauche, qui « se caractérisent par un paradoxe majeur : le pouvoir du peuple est sans cesse mis en avant, mais au bout du compte c’est une petite clique de politiciens qui contrôle et décide de tout26 ».

Au cœur de leur argumentation, on trouve la notion de « commun », qui, définie par opposition à la propriété à la fois privée et publique, est le véritable pivot de leur approche. À cet égard, Assembly s’inscrit dans le prolongement des analyses de Commonwealth, où ils expliquent que la production bio-politique crée les conditions d’une démocratie de la Multitude, parce qu’elle engendre des formes de subjectivités économiques et politiques qui sont l’une des expressions du « commun ». Tandis que le travail génère de plus en plus de coopération, sans que le capital ait besoin d’entrer en jeu, la production bio-politique fait émerger de nouvelles capacités démocratiques. Pour Hardt et Negri, une société construite sur le principe du « commun » est donc déjà en train de s’affirmer à travers le processus d’informatisation et le développement du capitalisme cognitif.

Indépendamment de la justesse de l’analyse qu’ils proposent du processus de production, qui a déjà fait l’objet de nombreuses critiques, ce qui, à mes yeux, est problématique dans leur promotion du « commun », c’est l’idée que cela pourrait fournir le principe fondamental d’organisation des sociétés. Il y a là un problème essentiel, que l’on retrouve, quoique sous des formes différentes, dans le travail de beaucoup d’autres théoriciens : leur célébration du « commun » présuppose une conception de la multiplicité libérée de la négativité et de l’antagonisme, ce qui empêche de reconnaître le caractère nécessairement hégémonique de l’ordre social. Dans le cas de Hardt et Negri, leur refus de la représentation et de la souveraineté procède d’une ontologie immanentiste diamétralement opposée à celle qui détermine ma conception de la démocratie radicale.

La critique de la représentation se retrouve également dans une autre conception de la démocratie radicale. En l’occurrence, c’est la pratique ancienne du tirage au sort qui est présentée par divers théoriciens comme le remède à la crise de la représentation qui affecte actuellement les sociétés démocratiques. Pour les partisans du tirage au sort, la démocratie représentative a été inventée pour exclure le peuple du pouvoir : ainsi, la seule façon d’établir un ordre véritablement démocratique est d’abandonner le modèle électoral et de le remplacer par la loterie27.

Cette conception est erronée parce qu’elle réduit la représentation aux élections et qu’elle ne reconnaît pas le rôle que joue la représentation dans une démocratie pluraliste.



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