Plonger by Chambaz Bernard

Plonger by Chambaz Bernard

Auteur:Chambaz, Bernard [Chambaz, Bernard]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Gallimard
Publié: 2011-10-14T22:00:00+00:00


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Il traîne sa peine, il est devenu encombrant, un peu comme un poids mort, et si les mots ont du sens il faut les considérer. La peine est de plus en plus lourde et la capacité d’endurance des êtres humains n’est pas infinie.

L’entraînement serait un pis-aller. Au moins, le temps de l’entraînement, il occupe ses mains et son cerveau. Il aime s’entraîner, seul ou avec les autres joueurs, il a toujours eu d’excellentes relations avec ses équipiers. C’est même les heures qu’il préfère depuis que l’angoisse liée aux matchs lui gâche la vie. Elles sont le motif quotidien qui lui permet de continuer. Il sait qu’il a la chance d’avoir un beau métier, il l’exerce en conscience. À trente-deux ans, il est rompu à l’entraînement spécifique des gardiens de but, aux gammes, il aime le parcours de slalom avec des ballons à ramasser, les allers-retours en pas chassés, les séances de plongeons, droite gauche droite gauche droite gauche, plonger plonger se relever plonger se relever, les courses qui forcent le cœur à pomper davantage de sang, les petits matchs entre gardiens, à un contre un, sur un terrain d’environ vingt mètres sur vingt et des buts d’un mètre de large, tout le rituel qui le captive et qui fait qu’il reviendra le lendemain. Il devrait aller à l’entraînement, mais aucun entraînement n’est programmé aujourd’hui 10 novembre.

Un nom à la radio attire son attention : on annonce l’ouverture ce mardi d’un festival du film à Cottbus. Au printemps dernier, la descente de l’Energie Cottbus en deuxième division avait signifié l’effacement du dernier club de l’ancienne RDA, c’était le plus oriental, le plus proche de la frontière polonaise. Une fin d’après-midi de février, Enke avait joué au stade de l’Amitié, un stade à l’ancienne, désuet. Il en avait conservé un souvenir mitigé, à cause de la défaite 3 à 1 et de la mauvaise note que lui avaient attribuée Bild Zeitung et Kicker, sans compter ce concert étrange donné sur la pelouse, juste avant la rencontre, par Michael Hirte. Ce musicien était un chauffeur de poids lourd qui avait passé deux mois dans le coma à la suite d’un accident, s’en était sorti borgne et boiteux, réduit à jouer de l’harmonica dans les rues, touché alors par la grâce, converti, prêt à se faire baptiser (taufen), joli petit plongeon (tauchen, plonger, rester sous l’eau, à ne pas confondre avec täuschen, duper, abuser), et au point où nous en sommes pourquoi ne pas tenter sa chance au concours Supertalent, il le gagne, il gagne cent mille euros, la célébrité en prime, cette scie à l’harmonica en prélude d’une rencontre de football. Hirte avait joué des standards, You’ll never walk alone puis Time to say goodbye. Même sans être superstitieux, on pouvait subir un ascendant néfaste.

Gardien de but est un métier difficile, un poste très exposé, sans aucun rapport avec l’angoisse du gardien de but au moment du penalty qui n’a rien à voir avec le football. Au contraire, le penalty est bien le seul moment où le gardien n’a rien à perdre.



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