Pierre noire by Forêt

Pierre noire by Forêt

Auteur:Forêt
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Archipel
Publié: 2015-01-04T16:00:00+00:00


12

— Je marchais dans le jardin, raconte Léa à Louise, je portais un panier plein de fruits. Il faisait chaud, c'était l'été sans doute. Soudain, j'ai entendu claquer les volets dans la maison d'à côté. Une fenêtre s'est ouverte, des voix m'ont appelée. Je me suis retournée, j'ai vu Isabelle et Nicolas qui riaient, m'adressaient de grands signes. Ils étaient revenus, je ressentais une joie immense. Isabelle était vêtue de blanc ; elle tenait un enfant dans ses bras. J'ai reconnu mon petit Pierre. Il portait la même barboteuse que sur la photo de ses deux ans. Je n'étais pas étonnée de le voir ; je trouvais naturel qu'il fût l'enfant d'Isabelle et le mien en même temps… Lui aussi agitait sa menotte dans ma direction. Une clarté intense les illuminait car le soleil avait abandonné le ciel pour les rejoindre à l'intérieur de la maison… Une vision merveilleuse… Après, quelque chose s'est mis à changer, à se détériorer. Ils voulaient me parler, mais j'avais beau tendre l'oreille, voir leurs lèvres remuer, leurs voix ne me parvenaient plus. C'était pénible, angoissant… Peu à peu, la lumière autour d'eux s'est mise à rougeoyer, à trembler. J'ai compris que le soleil s'enflammait. Leur image se tordait, racornissait, ondulait, fondait : une photo qui brûle. Eux, ils continuaient à sourire, impassibles, ignorant leur drame, tandis que les flammes grignotaient leurs visages de papier glacé. Je voulais hurler, mais aucun son ne sortait de ma gorge… Je me suis réveillée.

Léa se tait, le souffle court. Elle resserre sa robe de chambre, se lève lentement de sa chaise en s'aidant de ses deux mains, bien à plat sur la table. Corps de plomb, jambes molles, sans volonté. « Gestes de vieille », songe-t-elle avec indifférence. Elle n'est plus vraiment concernée.

Elle saisit la cafetière, remplit la tasse de Louise en face d'elle, puis la sienne, avant de se rasseoir.

— Le médecin m'a prescrit des somnifères… J'ai remplacé mes insomnies par des cauchemars, dit-elle dans un soupir de lassitude. Des cauchemars qui ressemblent toujours à celui-là. Cela m'a fait du bien de te le raconter. Heureusement que tu es là, Louise… À qui d'autre que toi aurais-je pu me confier ? ajoute-t-elle en scrutant par la fenêtre les lentes allées et venues de Georges dans le jardin.

En cette fin décembre, il n'y a plus grand-chose à faire dans le potager. Léa comprend que la lenteur des gestes de son mari est étudiée afin de prolonger chacun d'eux.

— Il va faire beau aujourd'hui, dit Louise. Cet après-midi, je t'emmène faire une longue promenade, ça te détendra. Peut-être Georges nous accompagnera-t-il ?



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