Pierre et jean by Guy de Maupassant

Pierre et jean by Guy de Maupassant

Auteur:Guy de Maupassant [Maupassant, Guy de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: - Divers
Publié: 1888-07-02T23:00:00+00:00


Chapitre 5

Mais le corps du docteur s’engourdit à peine une heure ou deux dans l’agitation d’un sommeil troublé. Quand il se réveilla, dans l’obscurité de sa chambre chaude et fermée, il ressentit, avant même que la pensée se fût rallumée en lui, cette oppression douloureuse, ce malaise de l’âme que laisse en nous le chagrin sur lequel on a dormi. Il semble que le malheur, dont le choc nous a seulement heurté la veille, se soit glissé, durant notre repos, dans notre chair elle-même, qu’il meurtrit et fatigue comme une fièvre. Brusquement le souvenir lui revint, et il s’assit dans son lit.

Alors il recommença lentement, un à un, tous les raisonnements qui avaient torturé son cœur sur la jetée pendant que criaient les sirènes. Plus il songeait, moins il doutait. Il se sentait traîné par sa logique, comme par une main qui attire et étrangle, vers l’intolérable certitude.

Il avait soif, il avait chaud, son cœur battait. Il se leva pour ouvrir sa fenêtre et respirer, et, quand il fut debout, un bruit léger lui parvint à travers le mur.

Jean dormait tranquille et ronflait doucement. Il dormait, lui ! Il n’avait rien pressenti, rien deviné ! Un homme qui avait connu leur mère lui laissait toute sa fortune. Il prenait l’argent, trouvant cela juste et naturel.

Il dormait, riche et satisfait, sans savoir que son frère haletait de souffrance et de détresse. Et une colère se levait en lui contre ce ronfleur insouciant et content.

La veille, il eût frappé contre sa porte, serait entré, et, assis près du lit, lui aurait dit dans l’effarement de son réveil subit :

« Jean, tu ne dois pas garder ce legs qui pourrait demain faire suspecter notre mère et la déshonorer. » Mais aujourd’hui il ne pouvait plus parler, il ne pouvait pas dire à Jean qu’il ne le croyait point le fils de leur père. Il fallait à présent garder, enterrer en lui cette honte découverte par lui, cacher à tous la tache aperçue, et que personne ne devait découvrir, pas même son frère, surtout son frère.

Il ne songeait plus guère maintenant au vain respect de l’opinion publique. Il aurait voulu que tout le monde accusât sa mère pourvu qu’il la sût innocente, lui, lui seul ! Comment pourrait-il supporter de vivre près d’elle, tous les jours, et de croire, en la regardant, qu’elle avait enfanté son frère de la caresse d’un étranger ?

Comme elle était calme et sereine pourtant, comme elle paraissait sûre d’elle ! Était-il possible qu’une femme comme elle, d’une âme pure et d’un cœur droit, pût tomber, entraînée par la passion, sans que, plus tard, rien n’apparût de ses remords, des souvenirs de sa conscience troublée ?

Ah ! les remords ! les remords ! ils avaient dû, jadis, dans les premiers temps, la torturer, puis ils s’étaient effacés, comme tout s’efface. Certes, elle avait pleuré sa faute, et, peu à peu, l’avait presque oubliée. Est-ce que toutes les femmes, toutes, n’ont pas cette faculté d’oubli prodigieuse qui leur fait reconnaître à



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