Physiologie du goût by Jean Anthelme Brillat-Savarin

Physiologie du goût by Jean Anthelme Brillat-Savarin

Auteur:Jean Anthelme Brillat-Savarin [Brillat-Savarin, Jean Anthelme]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Ligaran
Publié: 2016-08-14T16:00:00+00:00


Auprès de cette fille charmante qu’il avait retirée de sa pension, jouissant d’une fortune sagement administrée et d’une considération justement méritée, M. de Borose vivait heureux, et apercevait encore devant lui une longue carrière à parcourir ; mais toute espérance est trompeuse, et on ne peut pas répondre de l’avenir.

Vers le milieu du mois de mars dernier, M. de Borose fut invité à aller passer une journée à la campagne avec quelques amis.

On était à un de ces jours prématurément chauds, avant-coureurs du printemps ; et on entendait aux bornes de l’horizon quelques-uns de ces grondements sourds, qui font dire proverbialement que l’hiver se casse le cou : ce qui n’empêcha pas qu’on se mit en route pour la promenade.

Cependant, bientôt le ciel prit une face menaçante, les nuages s’amoncelèrent, et un orage épouvantable éclata avec tonnerre, pluie et grêle.

Chacun se sauva comme il put et où il put ; M. de Borose chercha un asile sous un peuplier, dont les branches inférieures, inclinées en parasol, paraissaient devoir le garantir.

Asile funeste ! la pointe de l’arbre allait chercher le fluide électrique jusques dans les nuages ; et la pluie, en tombant le long des branches, lui servait de conducteur. Bientôt une détonation effroyable se fit entendre ; et l’infortuné promeneur tomba mort, sans avoir le temps de pousser un soupir.

Enlevé ainsi par le genre de mort que désirait César, et sur lequel il n’y avait pas moyen de gloser, M. de Borose fut enterré avec les cérémonies du rituel le plus complet. Son convoi fut suivi, jusqu’au cimetière du père Lachaise, par une foule de gens à pied et en voitures ; son éloge était dans toutes les bouches ; et quand une voix amie prononça sur sa tombe une allocution touchante, il y eut écho dans le cœur de tous les assistants.

Herminie fut atterrée d’un malheur si grand et si inattendu ; elle n’eut pas de convulsions, elle n’eut pas de crise de nerfs, elle n’alla pas cacher sa douleur dans son lit : mais elle pleura son père avec tant d’abandon, de continuité et d’amertume, que ses amis espérèrent que l’excès même de sa douleur en deviendrait le remède ; car nous ne sommes pas assez fortement trempés, pour éprouver pendant longtemps un sentiment si vif.

Le temps a donc fait sur ce jeune cœur son effet immanquable ; Herminie peut nommer son père sans fondre en larmes ; mais elle en parle avec une piété si douce, un regret si ingénu, un amour si actuel et un accent si profond, qu’il est impossible de l’entendre et de ne pas partager son attendrissement.

Heureux celui à qui Herminie donnera le droit de l’accompagner, et de porter avec elle une couronne funéraire sur la tombe de leur père !

Dans une chapelle latérale de l’église de…, on remarque, chaque dimanche, à la messe de midi, une grande et belle jeune personne, accompagnée par une dame âgée. Sa tournure est charmante, mais un voile épais cache son visage. Il faut cependant que les



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