Petit Lecomte et grand lama by F.-H. Ribes

Auteur:F.-H. Ribes [Ribes, F.-H.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Espionnage
ISBN: néant
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 1974-08-31T16:00:00+00:00

CHAPITRE X

De retour au palais, Lecomte abandonna Mehdi et Tara-Mong qui, eux, n’avaient droit qu’aux repas de l’office en compagnie des autres loufiats, et il rejoignit Eggan et Samantha au douzième coup de midi.

C’était du pile, comme au régiment, sauf qu’il manquait le coup de clairon.

Le déjeuner était servi sur la terrasse, dans une vaisselle d’argent qui resplendissait sous les rayons du soleil. Comme quoi le papa de Samantha avait bien fait les choses dans cette maison. Rien ne manquait, même pas les chasse-mouches en plumes d’autruche que des laquais enturbannés agitaient mollement, une fois à droite, une fois à gauche.

Déjeuner sympathique où le sourire d’Eggan, après quelques banalités, semblait se poser comme un défi.

— Alors, dit-il au bout d’un instant, votre réponse, mon cher ?

Lecomte prit le temps d’attaquer le biriani, un plat succulent composé de poulet, agneau, épices, riz, raisin, ananas, prunes et oranges, le tout saupoudré de sucre fin et parfumé à l’eau de rose.

C’était vraiment délicieux.

— Les grenades, dit-il entre deux bouchées. Ah ! oui, il fallait bien qu’on en parle.

— Votre réponse ?

— Ma réponse est la même que si vous me demandiez de vous apporter le dentier de ma belle-mère. Pour la simple raison que je n’ai pas de belle-mère et encore moins de dentier à vous offrir.

— C’est très amusant, reprit Eggan, mais je crains de ne pas très bien saisir…

— Vous avez très bien compris. Vous êtes un petit plaisantin, monsieur Eggan, ce genre d’explosif n’existe pas.

Eggan conservait son sourire. Il paraissait vraiment s’amuser de cette situation.

— Vous vous êtes renseigné, dit-il. Vous êtes allé à la poste ce matin. Quelqu’un s’est chargé de m’en aviser. Mais je pense qu’on vous a donné un bien mauvais renseignement.

— Je vous répète que ça n’existe pas.

— En êtes-vous bien certain ?

Comme Lecomte ne répondait pas, Eggan se leva.

— Très bien, dit-il, un instant, je vous prie.

Il passa dans la pièce voisine et revint presque immédiatement avec une grenade assez volumineuse qu’il tenait dans sa grosse main.

— Et ça ? dit-il, vous n’y croyez toujours pas ?

Lentement, Lecomte se leva.

— Vous permettez ?

Il prit la grenade que lui tendait Eggan et la fit sauter dans sa main.

— Du bon matériel, reconnut-il, et qui fait le poids. Mais nous allons bien finir par nous entendre, monsieur Eggan. Je vous donne cinq secondes pour répondre. Ça existe ou ça n’existe pas ?

D’un coup sec, KB-09 dégoupilla la grenade et la brandit devant Eggan. Il jouait gros, car cette saloperie allait péter dans cinq secondes.

Eggan parut se vider de son sang, ses gros yeux fixés sur la grenade dégoupillée.

— Vous êtes fou, hurla-t-il.

— Ça existe ou ça n’existe pas ?

— Ça n’existe pas… By Jove, jetez ça.

Il était temps. Lecomte lança la grenade d’un geste rapide et l’engin explosa dans le parc avec un bruit d’enfer. Des billes d’acier fusèrent de toutes parts, crépitèrent dans la futaie, mais aucune d’elles n’explosa. Et pour cause !

Dans un geste olympien, les deux laquais avaient plongé au sol et il est certain que, s’il y avait eu de l’eau, on ne les aurait pas revus de si tôt.

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