Penser le travail avec Simone Weil by Gabellieri Emmanuel;

Penser le travail avec Simone Weil by Gabellieri Emmanuel;

Auteur:Gabellieri, Emmanuel;
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Nouvelle Cité
Publié: 2018-01-23T16:00:00+00:00


L’idéal coopératif

La révolution véritable ne pouvant être assimilée à un renversement brutal et une lutte finale partageant l’histoire en deux, elle ne peut être pour Proudhon que la réalisation progressive de l’idéal moral et social de la « coopération », un effort de « création nouvelle » de la société à partir de sa propre spontanéité vivante (IR 141).

« La République avait à fonder la société ; elle n’a songé qu’au gouvernement […], c’est à la place de cette centralisation matérialiste et absorbante des pouvoirs politiques que nous devons créer la centralisation intellectuelle et libérale des forces économiques » (IR 152-154).

Or ceci suppose dans l’esprit de Proudhon que le travail, la coopération des travaux et des producteurs, soit le niveau essentiel du lien social, de l’humanisation à accomplir. L’« indignation morale » à l’égard de l’existence d’une propriété et d’un « revenu sans travail » est ici à l’origine de la fameuse formule « la propriété c’est le vol ». De ce point de vue, l’opposé du système bourgeois et de l’oppression n’est pas la suppression de la propriété privée, mais au contraire sa généralisation, fondée sur le travail seul. Une des principales mesures économiques préconisées par Proudhon était « la création d’une banque d’échange populaire qui garantirait aux petits producteurs un crédit sans intérêts et qui élèverait l’ensemble des membres de la société au rang de propriétaire »7, thème que l’on retrouve chez Weil dans sa lutte contre l’injustice des rapports économiques et sociaux (voir « Quelques méditations concernant l’économie », OC II 2 486-490).

Proudhon proposait ainsi de « traverser de part en part l’idée politique ramenée à l’ancienne notion de justice distributive » (l’État distribuant alors à chacun ce qui est lui est dû), pour « arriver à celle de justice commutative » (IR 187), issue des rapports mutuels entre les hommes, ce qui paraît annuler la nécessité de l’État. Mais plutôt que l’« anarchisme » qu’on se représente habituellement, il s’agit d’un idéal d’organisation coopérative élargi à l’ensemble de la société, d’un « mutuellisme » voulant, non annuler l’autorité sociale, mais la diversifier au maximum, le point central étant l’idée d’un « équilibre » fondé sur un principe de solidarité économique et sociale.

Il y a là une profonde divergence d’avec la société communiste rêvée par Marx. Pour celui-ci, la société communiste doit être en effet une société totalement libérée de la division sociale du travail, une société qui

« règle la production générale et rend ainsi possible pour moi de faire ceci aujourd’hui, cela demain, de chasser le matin, de pêcher l’après-midi, d’élever du bétail dans la soirée, et de critiquer après le dîner, exactement selon mon bon plaisir, sans jamais devenir un chasseur, un pêcheur ou un critique » (L’Idéologie allemande, I, Feuerbach, « classiques du marxisme », Éditions sociales, 1974, p. 68).

Une telle description laisse d’abord dans une ombre totale la manière dont cette société est censée « régler la production générale » (ceci supposant le double mythe d’un progrès indéfini des forces productives sans qu’aucune contrainte sociale ne soit nécessaire pour l’organiser).



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