Pas de bavards à la muette by Léo Malet

Pas de bavards à la muette by Léo Malet

Auteur:Léo Malet [Malet, Léo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Publié: 1955-12-31T23:00:00+00:00


CHAPITRE VII

COURTE CONVERSATION

C’était un jeune homme de vingt-cinq piges, guère plus. De taille moyenne, plutôt frêle, assez bien tourné de sa personne, il portait un joli complet de coupe élégante, un peu voyant peut-être, clair, très clair, trop clair pour la saison ; mais son propriétaire avait vraisemblablement les moyens de porter des costumes salissants. Chapeau vissé sur le cassis et godasses sinon neuves du moins bien briquées. Le chapeau aussi semblait neuf. Soupçon de moustache à la Chariot sous les narines. Ça ne devait pas être un de ces fils de famille de Passy, un Gérard ou un Gontran quelconque. Mais il aurait fait un excellent chauffeur, modèle Bénech. Il ne lui manquait que l’uniforme. L’uniforme lui serait allé à ravir. Et la casquette à visière cirée aurait mis en valeur ses oreilles plutôt en contrevents. Il paraissait avoir l’éternité devant lui. Allongé dans un fauteuil du hall de l’hôtel, une cibiche au coin des lèvres, il lisait paisiblement un journal de turf.

— Z’avez une visite, m’sieu Dalor… Dalor ou Burma, fit le vieux veilleur de nuit, en clignant de l’œil et me désignant le jeune type.

Celui-ci se leva aussitôt, se débarrassa de son mégot, enfourna son canard dans une poche du veston, et vint vers moi d’une démarche souple, en roulant légèrement les mécaniques. D’un doigt désinvolte, il effleura l’aile de son galure, puis me tendit la main, une main blanche et fine, délicate, quasi féminine.

— Ah ! monsieur Nestor Burma ? Bonsoir, monsieur, sourit-il, en me faisant admirer une canine en or. Je m’appelle Roger Lozère. Je suis journaliste.

Je consultai ma montre. Bientôt minuit.

— Vous n’êtes pas fainéant, dis-je. Journaliste ? Où ça ?

— Au Parisien Libéré. Vous creusez pas le crâne. Vous n’avez certainement jamais entendu parler de moi. Je débute… et j’aimerais que vous me filiez un petit coup de main.

— Je ne crois pas que vous ayez besoin de moi. Pour un débutant, vous ne vous débrouillez pas mal. Comment avez-vous dégoté mon adresse ?

— Ben ! ça n’a pas été sorcier. Je l’ai entendue à la radio.

Je me mordis les lèvres. J’allais passer pour un cornichon, moi, si ça continuait. Mais peut-être que ce n’était pas une mauvaise tactique, de passer pour un cornichon.

— Ah ! oui, bien sûr ! La radio ! Et alors ?

— Je voudrais vous demander certaines choses et, de mon côté, vous en dire d’autres. Le toutim doit pouvoir faire un article comac. On peut s’installer là ! fit-il, en enveloppant le hall d’un geste large.

— On sera mieux chez moi.

— Euh… oui… je n’osais pas…

Nous montâmes dans ma chambre. Le dos tourné à la porte, je la fermai à clef, en cachette du nommé Lozère, mais le pêne claqua un tantinet et le jeune homme dut l’entendre. Quoi qu’il en soit, il n’en laissa rien paraître. Je mis la clef dans ma poche, avançai une chaise à mon visiteur et m’assis sur le lit.

— Je vous écoute, dis-je. Que voulez-vous ?

— Savoir ce que vous faites là-dedans. Je serai le premier à l’annoncer et ça me posera.



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