Pardonnable, impardonnable (Romans contemporains) (French Edition) by Valérie Tong Cuong

Pardonnable, impardonnable (Romans contemporains) (French Edition) by Valérie Tong Cuong

Auteur:Valérie Tong Cuong [Cuong, Valérie Tong]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: JC Lattès
Publié: 2015-01-06T23:00:00+00:00


céleste

Lino est sombre, sombre, sombre. Cela paraît impossible, pourtant il l’est plus encore qu’après l’enfant mort.

Là où je vois des améliorations, il n’envisage que des impasses. En moins de dix jours, Milo est parvenu à marcher sans l’aide du kinésithérapeute. Il trébuche encore, certes, mais tout de même. J’ai pleuré de joie, Lino, lui, a pleuré de dépit. Il ne regarde que les vides et les creux. Il ne dit pas, C’est formidable, mon fils marche à nouveau ! Il dit : C’est effrayant, il est incapable de monter un escalier.

Il y a beaucoup à faire, c’est vrai. Cependant, chaque jour Milo me surprend par un nouveau progrès. Il parle d’une voix légèrement saccadée, mais s’exprime avec plus de facilité. Il parvient à tenir correctement sa cuiller, à la porter à sa bouche.

Je passe ma main dans ses cheveux, ils sont à nouveau vivants, brillants, ses joues se remplissent, ses lèvres ne sont plus aussi sèches – il m’embrasse, il s’anime, c’est si doux, c’est si tendre, une réconciliation.

— Maman, maman, maman, chuchote-t-il tandis que mon cœur fond.

Puis il fatigue subitement, son regard s’extrait de la pièce – mais il ne se plaint pas.

— Il ne sera jamais plus comme avant, fait Lino. C’est foutu.

— Tu le vois le soir, il est fatigué. Il a travaillé dur toute la journée.

— Je veux seulement que tu sois réaliste. Je veux seulement qu’on arrête de se raconter des conneries, que tout ira mieux, qu’il suffit d’y croire.

J’essaie de ne pas lui en vouloir. Moi-même, il m’arrive encore de douter – mais rarement très longtemps. Je me répète que chacun fait comme il peut, que peut-être c’est plus difficile d’être optimiste pour un homme, ou bien que cela a quelque chose à voir avec la relation père-fils, qu’il a besoin de désinvestir, qu’il lui faut du temps à lui aussi.

C’est difficile. Il boit de plus en plus, lorsqu’il arrive à l’hôpital ses yeux luisent, il parle fort, il est presque brutal. Ma mère l’a remarqué, évidemment.

— Il va trop loin, Céleste. Il devient agressif avec toi.

— Tu sais bien que c’est sur ceux que l’on aime et qui nous aiment que l’on déverse son désarroi.

Et il m’aime, je le sais, je le sens. Peut-être même plus que jamais. Mais il perd le contrôle.

Ma mère a raison : il va trop loin. Il me poursuit, me harcèle. Il m’épuise.

— Arrête de me regarder comme ça, Céleste, tu as quelque chose à me dire ? Eh bien vas-y, je t’écoute, qu’est-ce que tu veux ?

— Je ne veux rien, Lino, et s’il te plaît, parle plus bas, Milo va t’entendre. Il a besoin de calme.

Il souffle, soupire, fait les cent pas, marmonne un discours inaudible pour les autres. Tape du pied dans le mur.

Au début de la semaine, le Dr Socratès l’a prié de quitter la chambre : il s’était emporté alors que Milo demandait à voir Marguerite.

— Merde, Milo, tu vas nous lâcher avec ça ? C’est elle qui t’a mise dans cet état, tu n’as pas l’air de le réaliser !

— C’est pas sa faute, papa.



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