oublies by Inconnu(e)

oublies by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-12-17T04:32:45+00:00


Danger de la fantaisie

Il circulait sur le compte de l’école des mendiants un tas d’histoires vraiment stupéfiantes.

L’origine de ces histoires remonte à une discussion qui eut lieu il y a quelque temps, au café du Pacha, entre le professeur de mendicité Abou Chawali et le lettré Tewfik Gad. Car c’est à l’issue de cette discussion que furent colportés d’innombrables détails, touchant une prétendue innovation, d’ordre esthétique, qui allait, paraît-il, révolutionner l’art de demander l’aumône, sur tout le territoire. Cela faisait supposer les choses les plus invraisemblables. La dégoûtante partialité des uns et la médisance acharnée des autres trouvaient là matière à s’exercer. Les habitants du Terrain-aux-Serpents, qui sont tous de terribles enragés, avaient profité d’une situation aussi insolite pour provoquer un scandale monstre, dont l’originalité désastreuse les séduisait. Une erreur psychologique leur avait fait prendre cette lamentable affaire pour une immense facétie. C’étaient des gens qui n’allaient pas chercher au fond des choses, et se contentaient d’en tirer des conclusions prématurées et toujours de nature scandaleuse. Ils avaient la passion des interminables querelles, des malentendus irrémédiables et de tout ce qui bouleverse la vie sans la finir.

Comment se seraient-ils doutés que les divergences d’opinions qui existaient entre Abou Chawali et le lettré Tewfik Gad cachaient un problème social d’une portée considérable ? Un seul d’entre eux avait sans doute saisi tout cela, mais c’était Foda, le sorcier, un homme très mystérieux et sur l’intervention duquel on ne pouvait guère compter. Bref, on s’attendait au pire, lorsque les choses se gâtèrent d’une manière soudaine et faillirent tourner au drame.

C’est un jour comme les autres : lent, féroce et affamé de victimes humaines. Personne ne peut dire quelles sortes d’horreurs se préparent à naître, ni préciser le genre de désastres nouveaux qui menacent la vie des hommes. Le froid a depuis longtemps commencé sa pernicieuse besogne. Mais, pour le moment, l’unique inquiétude provient de cette masse de nuages, qui traîne lourdement dans le ciel, et derrière laquelle le soleil s’est complètement égaré.

Les mains enfouies dans les poches de son caftan, Abou Chawali traverse le sentier de l’Enfant-qui-Pisse, avec l’allure sinistre et menaçante d’un cadavre ambulant. Il cligne constamment ses yeux malades et s’arrête de temps en temps pour réfléchir. C’est un vieillard d’une soixantaine d’années, à la barbe hirsute et au visage hâve et décharné. Un grand châle en lambeaux flotte sur ses maigres épaules comme les ailes effrayantes d’un oiseau de proie. Sa saleté n’offre rien de remarquable ; elle se confond avec la matière cruelle qui l’entoure. A chaque pas, il risque de glisser dans les interminables flaques d’urine, étendues là comme des pièges obscènes. Le sentier de l’Enfant-qui-Pisse conduit à l’école des mendiants. C’est le sentier le plus déchu et aussi le plus étroit du terrain. Les huttes y sont plus misérables et plus crasseuses que nulle part ailleurs ; les vieux bidons à pétrole qui les composent sont crevassés et rouillés à l’extrême. Elles semblent toutes prêtes à crouler, mais la misère éternelle qui les a bâties de ses mains sauvages a laissé sur elles son empreinte d’éternité.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.