Origine du crime by Jean Louis Schefer

Auteur:Jean Louis Schefer
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782818015841-30611
Éditeur: POL Editeur
Publié: 2012-01-14T16:00:00+00:00

Cela maintenant m’épuise, recherche insensée : ces traces débiles, ce temps et cette époque défaits ne me conduiraient pas très loin. Ou du moins jusqu’à une espèce de clôture des souvenirs, dès qu’une image en eux figure exactement, abrège et perd la chronologie.

Quelques scènes horribles, d’inavouables initiations (cette demande incompréhensible, réellement obscène, dans un pré d’un vert si parfait, et l’odeur puante du corps humain). Mais cela que je ne crois pas racontable expliquerait-il autre chose ou mieux ce que nous savons déjà par le moindre détail ? Parce qu’il faudrait cacher le vide presque continu que, me semble-t-il, la fin de la chronologie a consacré.

S’il était même possible que le temps, tel qu’il était passé dans ces images, au point qu’il les avait imprégnées ou qu’elles n’étaient que cette sorte de brouillard dense qui dans les matinées d’automne absorbe toutes les formes, les noie dans une impalpable suspension d’eau, tant que les couleurs ne sont pas réchauffées par le soleil… non seulement ce temps n’était plus compté que par des scènes fugitives, des parties encore visibles d’un peinture lentement animée dont l’ensemble et les proportions mêmes se seraient perdus – mais surtout ces quelques fragments épars, colorés, voulaient-ils dire que par ces mêmes images surgies devant notre œil invisible, le temps lui-même (puisque aucun autre nom ne convenait à cette qualité de choses passées) pouvait demeurer en nous. Et que s’il demeurait ainsi en nous, si intimement attaché à ce nous-même, à cette sorte de corps qu’on ne peut appeler une mémoire, strictement, il nous faisait comme un tissu invisible, comme le retour de ce brouillard qui prend toutes les formes tant que le soleil ne les surplombe pas encore.

C’est aussi que tout événement pourrait dès lors s’orienter dans une sorte d’indépendance du temps. Que quelque chose du temps, de son essence, ne demeure que comme possibilité du temps, et dans quoi les phénomènes prendraient leurs dimensions, leur force d’affirmation, etc., si les limites de ce qui est contemporain peuvent s’élargir ; reculer ?

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