On est bien seul dans l'univers by Philippe Curval

On est bien seul dans l'univers by Philippe Curval

Auteur:Philippe Curval [Curval, Philippe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nouvelles
ISBN: 9782370490513
Éditeur: La Volte
Publié: 2017-09-02T16:00:00+00:00


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Xpujil avait refermé les cloisons qui isolaient le souterrain des sondes électroniques de la police. Liacan le précédait en silence. Cela faisait deux heures qu’ils marchaient vers le sanctuaire secret, descendant en pente douce à travers le plateau calcaire qui constituait le sol de Coba. La galerie s’élargit subitement, puis déboucha sur une vaste caverne. Féerie des stalactites et des stalagmites tordues en des formes étranges, comme si le lent travail des gouttes avait subi la loi de forces de gravité changeantes, comme si une pesanteur aberrante les avait façonnées. Pourtant, dans le fond, le lac était plat et lisse, huileux, à la fois sombre et brillant, et l’horizon qui le bornait ne se relevait pas de chaque côté, sous l’effet d’une distorsion magnétique. Une illusion de jour nimbait ce paysage de neige solide ; arbres de lait, animaux d’albâtre, nuages de craie.

« Voici le cénote sacré, Liacan. Tous les mutants s’y sont un jour réfugiés, tous les hérétiques. Comme eux, je sais que nous n’y vivrons pas longtemps. La lumière qui y règne est mortelle. Deux solutions s’offrent à nous : soit y mourir, soit ressortir pour que les prêtres nous immolent. »

Liacan s’approcha de lui, lentement, comme dans un songe démultiplié. Ses yeux ruisselaient de larmes, ses yeux sombres et clairs comme le lac au fond du cénote, et Xpujil sentit son membre s’ériger, se tendre, superbe, et il comprit qu’il était aussi un mutant qui attendait l’éveil de la belle au sexe dormant. Alors ils s’unirent avec une douce fureur.

Quelques jours plus tard, lorsqu’ils se déprirent, Liacan demanda à Xpujil s’ils pouvaient demeurer dans le sanctuaire secret et combien de semaines ils le supporteraient.

« Si tu m’aides, nous pouvons tenir plus d’un an. Mais, pour cela, nous avons besoin d’inventer quelques mois. »

La jeune fille savait obscurément à quoi son amant faisait allusion. Elle avait appris jadis que le temps des Mayas subissait de singulières fluctuations et que la persistance d’une chronologie logique dans l’histoire de son peuple n’apparaissait qu’à partir du moment où les anciens avaient imaginé se référer au temps subjectif fourni par un Dormeur.

« Ici, le pouvoir du Dormeur n’agit pas ; nous sommes soumis au régime des fluctuations temporelles qui fait de la Terre une planète isolée du cosmos. Il nous suffit d’appréhender subjectivement le temps et d’y penser suivant nos besoins, imaginant un jour, une heure, une minute afin de l’étendre dans la durée. Tu verras, je pense, que tu y parviendras facilement ; je te rapprendrai comme mon professeur l’a fait dans mon enfance. »

Et Liacan fut une bonne élève. Ils vivaient au sein d’un perpétuel amour, se livrant à des orgies sexuelles infinies, étirant leur plaisir jusqu’au seuil de la mort. Ils se nourrissaient de mets merveilleux ; Xpujil les préparait avec les conserves dissimulées par les hérétiques et les mutants qui s’étaient jadis réfugiés dans la caverne. Les deux amants glorifiaient leur mémoire et débattaient parfois de l’opportunité d’entreprendre comme eux une action à Coba. Devaient-ils sortir et prêcher



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