Oeuvres complètes, Tome 2 by Valéry Paul

Oeuvres complètes, Tome 2 by Valéry Paul

Auteur:Valéry Paul
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Livre de Poche
Publié: 2016-01-15T00:00:00+00:00


Au sortir de la petite maison où je venais d’être reçu avec tant de grâce, ces questions agitées inquiétaient encore mon esprit.

Dans ces états de résonance intellectuelle qui suivent et prolongent un entretien où l’on s’est intéressé, il se produit en nous une infinité de combinaisons des idées qui furent émises et non point épuisées.

Pendant quelque temps, nos pensées s’accélèrent, élargissent en quelque sorte leur jeu, illuminent l’imprévu qui est en nous, avant que nous revenions à nous-mêmes, c’est-à-dire aux choses minimes.

Le dialogue qui venait de se terminer se reprenait en moi. Il se transformait dans un échange intérieur d’hypothèses de plus en plus risquées. L’esprit mis en mouvement et livré à soi seul ne se refuse rien. Il produit mécaniquement des idées vives qui s’enhardissent l’une l’autre.

Je songeai à la singularité de cet art que l’on nomme classique ; je remarquai qu’il commence de paraître aussitôt que l’expérience acquise commence d’intervenir dans la composition et dans le jugement des œuvres. Il est inséparable de la notion de préceptes, de règles et de modèles…

Bientôt j’en vins à m’interroger comment il se faisait que cet art se fût prononcé et particulièrement imposé en France. La France, me disais-je, est le seul pays du monde où la considération de la forme, l’exigence et le souci de la forme en soi aient existé dans les temps modernes. Ni la force des pensées, ni l’intérêt des passions décrites, ni la génération merveilleuse des images, ni les éclats mêmes du génie ne suffisent à satisfaire une nation assez difficile pour ne pas goûter entièrement ce qu’elle ne peut goûter après réflexion. Elle ne sépare pas volontiers ce qui fut spontané de ce qui sera réfléchi. Elle n’admire tout à fait que lorsqu’elle a trouvé des raisons solides et universelles de son plaisir ; et la recherche de ces raisons l’a conduite jadis, comme il arrive d’abord aux anciens, à distinguer très soigneusement l’art de dire, du dire même.

Il n’est pas étonnant (me soufflait encore ma rêverie) que dans un pays assez peu crédule, ce discernement se soit imposé. Le sentiment et le culte de la forme m’apparurent alors des passions de l’esprit qui ne se dégagent que de ses résistances. Le doute mène à la forme, me disais-je en raccourci…

Repensant alors à celui que je quittais, et dont rien n’est plus connu que son amour de l’art classique, si ce n’est le scepticisme extrême qu’il professait, (car il était le doute en personne), il me vint un soupçon qu’il existât quelque liaison assez cachée, mais fort séduisante, entre ce culte de la forme et cette tournure critique et sceptique de l’esprit.

La crédulité, pensai-je, n’est pas difficile. Elle consiste à ne pas l’être. Il lui suffit d’être ravie. Elle s’emporte dans les impressions, les enchantements, et toute dans l’instant même, elle appelle la surprise, le prodige, l’excès, la merveille et la nouveauté. Mais un temps vient, quoiqu’il ne vienne pas pour tout le monde, que l’état plus délié des esprits leur suggère d’être exigeants. De même



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