Obscuration by Claude Ollier

Obscuration by Claude Ollier

Auteur:Claude Ollier
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782818010846-36260
Éditeur: POL Editeur
Publié: 2011-01-14T16:00:00+00:00


L’accalmie a pris fin, ce qui pouvait passer pour une trêve, et ses viols bénins, les alertes ont repris, harcèlements plus qu’attaques en règle, un ou deux dans la nuit, chaque nuit presque.

Quelques fusées sur un point donné, illuminant la scène, fuselages des avions pris dans les projecteurs, tir précipité des canons, mitraille, chapelets de bombes isolés, des escarmouches, sauf pour ceux qui sont dessous et n’en peuvent mais, les objectifs ne semblent pas militaires spécialement, à moins que tout ne soit stratégique, militaire, totale sera la guerre, annonçait le ministre.

L’étau se resserre, les gens le sentent bien, la retraite ininterrompue depuis des mois à l’est nourrit leur crainte, mais l’offensive va reprendre avec les beaux jours, c’est certain, il faudrait l’invasion pour que leur foi vacille.

Les journaux disent « invasion », rassurent, on l’attend, tout est paré pour la repousser, la contenir, ils l’affirment depuis des mois, parlent d’armes secrètes très nouvelles qui vont changer toutes les données, renverseront le sort, l’ennemi sera pris de court, mystifié, terrassé.

Il faut tenir jusque-là, consolider la place, l’étayer, la doubler de fossés, la forteresse Allemagne trempera sa volonté dans un retour aux sources, un grand projet va voir le jour, ce film grandiose sur la ville assiégée, Kolberg, ses citoyens levés en masse, mobilisés invincibles.

Martin lit la nouvelle dans le quotidien du soir, rubrique spectacles, on en parlait depuis longtemps, cela se fera donc enfin mais le temps presse, inutile sous peu de construire des décors, songe-t-il, les choses vont évoluer très vite à présent.

Le grand changement vient pour lui le jour où il apprend que désormais il travaillera de nuit. Il ne s’y attendait pas. Voilà qui donne un tour nouveau à son destin falot d’apprenti ouvrier. Tout s’en trouve bouleversé, du jour au lendemain.

De bon matin, au lieu de s’éveiller et de partir pour l’usine, c’est au camp qu’il revient, pour s’y coucher, dormir, le jour se lève, il n’y comprend plus rien, la lumière blafarde l’agresse, il a lutté contre le sommeil toute la nuit, nauséeux, engourdi, interminable nuit dans l’atelier désert.

Une seule machine y tourne, la sienne, seuls quelques postes sont occupés la nuit, et les gros tours dans les sous-sols. Une seule lampe donc, cercle étroit de clarté à l’une des extrémités du vaste local, face à la porte de l’ascenseur, et les yeux contre la lampe rivés au corps de l’engin trépidant, vibrant, semi-automatique, qu’il faut alimenter, surveiller, lubrifier de ce liquide poisseux, mousseux, peu consistant, qui souvent gicle au visage.

Surveiller la bonne marche et la conformité des pièces, espèces de capsules ou coiffes métalliques, parties de percuteurs peut-être, alimenter la machine en cylindres d’aluminium, stopper le moteur électrique à intervalles réguliers pour évacuer les copeaux.

Souffler un moment et se redresser, se retourner sur cette obscurité à perte de regard, persuadé dans l’instant qu’on a été oublié là, ou enfermé, toutes issues obturées, qu’on ne sortira jamais de là, scène tout enténébrée, saturée de grisaille, étouffante, pesante comme dans le rêve.

Torpeur, isolement, étourdissement, vertiges rapides, impossibles



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