Nuits Appalaches by Chris Offutt

Auteur:Chris Offutt [Offutt, Chris]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 2019-03-11T13:12:17.047000-03:00 JF
Éditeur: Éditions Gallmeister
Publié: 2019-03-06T23:00:00+00:00

8

QUELQUES jours plus tard, Tucker traversa les bois au crépuscule et remonta la colline à pied. Les lucioles scintillaient au ras du sol. Il avait entendu dire que c’étaient les femelles qui s’illuminaient afin d’attirer les mâles, un comportement logique pour un insecte qui ne sortait que la nuit. Les flancs de collines escarpés de chaque côté du ruisseau bloquaient la lumière des étoiles. Ça ne gênait pas Tucker. Enfant, il passait tout le temps par là.

Il rajusta son sac sur ses épaules. Il n’était pas très lourd, mais Tucker avait perdu l’habitude de le porter, et il n’avait plus la peau aussi dure qu’avant. L’inconfort laissa place à une douleur lancinante qu’il ignora comme une piqûre d’aoûtat. Il était heureux d’avoir grandi sur une crête où les gens voyaient la lumière du jour. Les familles qui vivaient dans les vallons encaissés n’avaient du soleil direct que trois ou quatre heures par jour. Là-bas, les gens étaient pâles. Si c’était pour vivre dans un vallon, autant aller en ville, et à ce moment-là, autant y aller carrément et s’installer à Lexington.

Au sommet de la colline, Tucker trouva l’entrée de la numéro 9. La voie étroite avait disparu, mais quelques traverses pourries dépassaient encore du sol. Il tira une lampe torche de son sac à dos et pénétra dans la mine. Des canettes de bière vides et des mégots de cigarettes jonchaient les cinq premiers mètres. Ses chaussures résonnaient dans le silence. Le conduit se rétrécissait après un virage en coude et il en mesura la largeur pour s’assurer que sa voiture passerait. Un peu plus loin, le conduit formait un embranchement et les vieux rails disparaissaient sur la gauche. Tucker s’engagea avec précaution sur la droite, avançant à petits pas sans jamais décoller ses chaussures du sol.

L’air au-dessus de lui s’assombrit. Il ramassa une poignée de cailloux et les jeta devant le faisceau de la lampe. Lorsqu’ils heurtèrent le sol, il s’avança de quelques dizaines de centimètres, avant de répéter l’opération. Il n’y avait aucun son. Tucker se mit à quatre pattes et continua à tâtons. La découverte du bord du précipice lui envoya une décharge dans tout le corps, comme s’il avait attrapé un fil électrique à pleines mains. Il jeta un caillou dans l’abîme et n’entendit rien. Les mineurs avaient découvert par inadvertance un gouffre naturel avec une grotte tout au fond. Tucker eut soudain l’étrange impulsion de partir en avant, comme si cette profonde cavité souterraine l’appelait.

Il posa la lampe par terre et sortit de son sac un marteau, un vieux T-shirt et un piquet de chêne taillé en pointe. Il enfonça le piquet dans le sol à quinze centimètres du trou. Une fois le piquet solidement fixé, il accrocha le T-shirt blanc par-dessus. Il ressortit de la mine et descendit le flanc de colline. La lune s’était levée. Les bois gagnaient du terrain sur la route étroite, mais la pluie la maintenait dégagée. Elle était défoncée par endroits, tenant plus du ruisseau que de la route.

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