Nouvelles de Cuba by Collectif

Nouvelles de Cuba by Collectif

Auteur:Collectif
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Magellan & Cie Éditions
Publié: 2016-01-15T00:00:00+00:00


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1. Reina María Rodríguez, « El cuento de la Niña », dans Otras cartas a Milena. (N.d.T.)

À William Navarrete, en souvenir de Buenavista.

UN AIR DE GUAGUANCÓ TRANSATLANTIQUE À DEUX VOIX

par Teresa Dovalpage

traduit de l’espagnol (Cuba) par Anne Casterman

Le North Star s’est perdu, dit-on. Il a disparu comme un radeau de fortune à mi-chemin entre Miami et Barcelone, alors que c’est un paquebot transatlantique de cent mille tonnes pouvant embarquer jusqu’à quatre mille passagers. Une ville flottante si énorme qu’un quartier entier de la vieille Havane pourrait y tenir sans même le remplir.

On dit que ni les radars, ni les sonars, ni les avions qui ratissent l’Atlantique depuis je ne sais combien de jours ne parviennent à le localiser. Tout le monde y va de sa théorie : les extraterrestres l’auraient emporté sur Mars ; une vague géante l’aurait fait sombrer ; une horde de requins sanguinaires affamés l’aurait retourné. Moi, je ne sais pas quoi en penser, mais je crains que cela ait quelque chose à voir avec le mec de ma sœur Maryoli, un glandeur dans tous les sens du terme qu’on surnommait, allez savoir pourquoi, Peter Estrella1.

Peter Estrella s’appelait en réalité Pedro Pérez – Pedrito pour les intimes et Peter pour les autres. Je l’ai connu au collège, toutes les filles étaient amoureuses de lui car c’était Alain Delon tout craché. Moi, j’avais dans ma chambre un poster du Français, punaisé au-dessus de ma commode, que mes copines m’enviaient. Je regardais ce visage de star et ses grands yeux verts chaque matin au moment de me lever et chaque soir avant de me coucher.

Parfois, au petit matin, quand je me glissais les doigts entre les jambes et haletais tout bas, doucement, pour ne pas réveiller ma sœur qui dormait dans le lit à côté du mien, les traits de Delon s’estompaient à la lueur du réverbère et se confondaient avec ceux de Peter Estrella. Alors c’était lui qui me murmurait : « Ma chérie, mon petit sucre d’orge », comme il me l’avait dit plus d’une fois en personne. Comme me l’avait dit Peter, bien sûr ! Comment aurait-ce pu être Delon ?

Ma sœur n’aimait ni l’un ni l’autre. Elle était de l’autre bord, carrément même, et ce qu’elle aurait aimé, elle, c’était ressembler au Français. Un soir, je l’ai surprise en train de le singer face au miroir tout en regardant sa photo du coin de l’œil, pour vérifier si elle imitait bien son air d’irrésistible macho.

Pour en revenir à Peter, il avait une très belle voix et connaissait tout un répertoire de chansons de taulards très populaires au collège, sans doute parce qu’il y avait parmi les élèves de vrais voyous, des gars du quartier de Buenavista. (Non, pas moi ! Moi, je suis de Miramar, rien à voir.) Je me souviens d’un guaguancó dont les premières paroles étaient : « Anabaná, la maison de Torrens, a été l’école de ma vie, c’est là que j’ai appris que dire ami fidèle n’était qu’un mensonge.



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