Nous sommes la France (French Edition) by Natacha POLONY

Nous sommes la France (French Edition) by Natacha POLONY

Auteur:Natacha POLONY [POLONY, Natacha]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: EDI8
Publié: 2015-10-21T22:00:00+00:00


On ne bâtit rien sur la bêtise

L’élevage hors-sol d’une jeunesse vouée à rêver la semaine devant sa télévision de ce qu’elle ne pourra pas s’acheter le samedi quand elle ira déambuler dans les allées des grandes surfaces s’est mis en place sur les ruines des institutions de transmission qui, dans les générations précédentes, permettaient à des jeunes de savoir quel était ce monde qui les avait précédés. Armée, Eglises, syndicats, partis politiques, mouvements de jeunesse, corporations professionnelles… Toutes ces institutions ont perdu peu à peu de leur influence sous l’effet d’une déconstruction promue au nom de l’émancipation des individus. Ce dont on peut se réjouir, jusqu’au moment où, en fait d’émancipation, il ne s’agit plus que de livrer à des puissances marchandes des consommateurs dociles, débarrassés de tous les attachements qui pourraient limiter leurs besoins en produits inutiles. La famille, même, dernier noyau de transmission, est à l’agonie, victime d’un double mouvement : la fragilisation des liens par l’émergence d’un individualisme hédoniste valorisant les attachements affectifs, et donc éphémères, et le culte démocratique remettant en cause toute forme de hiérarchie, y compris entre parents et enfants. Ajoutons à cela cette arme de destruction massive qu’est la télévision, une invention merveilleuse pour apporter le savoir et la connaissance dans les foyers, mais devenu un outil mercantile qui permet d’y introduire des valeurs parfaitement contraires à celles que les parents cherchent à transmettre ou, par la grâce des antennes satellites, des valeurs qui n’ont rien à voir avec celles du pays où l’on prétend élever ses enfants. Vendre à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible, comme le disait fort pertinemment Patrick Le Lay pour définir la finalité de TF1, reste la plus sobre et géniale définition de notre époque.

Reste donc une institution sur laquelle repose la trop lourde tâche de transmettre les valeurs, les savoirs, les récits qui perpétuent le monde ancien et le rendent intelligible aux nouveaux venus. L’école, parce qu’elle est la dernière institution encore à peu près debout, est en première ligne. C’est vers elle que se sont tournés les regards après le choc. Comme si par miracle elle allait combler les fractures, restaurer la communauté nationale et prévenir les dérives. La foi en l’école est tout ce qui nous reste de la pensée des Lumières et de son idéal d’émancipation par le savoir. A ceci près qu’on a gardé la foi mais qu’on a évacué le savoir.

On ne le répétera jamais assez : les frères Kouachi, Amedy Coulibaly, Mohammed Merah et tous les autres ont passé douze ou treize ans sur les bancs de l’école républicaine. Ceux qui ont contesté la minute de silence du 9 janvier et qui se sont senti une communauté de vues avec les assassins y passent environ trente heures par semaine. Une école qui a été conçue pour élever les futurs citoyens, pour les instituer comme individus libres, autonomes et responsables. Du moins, c’est ce qu’avaient à l’esprit des législateurs qui ont pensé cette école comme un des piliers indispensables de la République.



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