Nestor Burma 21.Les eaux troubles de Javel by Léo Malet

Nestor Burma 21.Les eaux troubles de Javel by Léo Malet

Auteur:Léo Malet [Malet, Léo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Polar
Éditeur: 10/18
Publié: 1956-12-31T23:00:00+00:00


CHAPITRE IX

Toutes ces émotions et mon coup sur la tête firent que je dormais encore, le lendemain, vers onze heures, lorsque les deux zigues s’amenèrent. Vous parlez d’un rince-cochon… Le commissaire Florimond Faroux désirait me voir et si je voulais bien les suivre… Je les suivis. À bord de leur bagnole d’abord, à travers Paris ensuite. Lorsque nous atteignîmes le boulevard de Grenelle, je ne dis rien, – mes compagnons n’étaient pas non plus très bavards – mais j’avais compris. Nul besoin d’être voyant pour comprendre qu’on allait chez la voyante. Dans mon départ précipité de chez elle, j’avais dû laisser des traces de mon passage ou bien Jeanne n’avait pu garder le secret.

— Ah ! voilà Nestor Burma, claironna Faroux, en m’apercevant.

Il était dans le cabinet tragique, en compagnie de la morte, dissimulée sous une couverture, et de quelques-uns de ses collègues de la Tour Pointue. La loi, qui a parfois besoin d’air, avait décroché une des funèbres draperies murales, – c’eut été, pourtant, plus que jamais le moment de les laisser en place – et le jour pénétrait à flot par la fenêtre ainsi libérée.

— Que se passe-t-il ? demandai-je.

— Le truc habituel, ricana le commissaire. Un crime a été commis et vous y êtes mêlé.

— Ah ?

— Oui.

Il me prit le bras, m’entraîna vers le corps, fit un signe. Un de ses hommes souleva la couverture, découvrant le visage de Joséphine :

— Pas beau à voir, dis-je.

— Ce n’est pas pour avoir une opinion esthétique que je vous ai envoyé chercher. Vous connaissez madame, n’est-ce pas ?

— Oui. Marie Dubois, dite Joséphine, dite Zorga-Tinéa.

— Très bien. Qu’est-ce que vous goupillez, en ce moment ?

— Rien.

— Aucune affaire en cours ?

— Non.

— Il y a au moins un type qui ne vous veut pas du bien, vous savez ?

— Ne parlez donc pas tout le temps de vous-même. C’est mal élevé.

Il haussa les épaules :

— Voilà de quoi je parle, fit-il.

Il rafla un bristol pas mal amoché, froissé, corné, qui traînait sur la table, dans un domaine à lui seul réservé, semblait-il, et me le tendit :

— Vous pouvez la manipuler à votre guise. Nous en avons tiré tout ce qu’il y avait à en tirer. Pas besef.

Je dépliai le bristol et grimaçai. Puis, lorsque j’eus repris mon souffle, j’observai :

— Mais, toutefois, certaines conclusions fâcheuses, hein ?

— Pourquoi ?

— C’est une de mes cartes.

— Oui. Nestor Burma, détective privé. Marrant, n’est-ce pas ?

Encore plus qu’il ne l’imaginait, mais je ne dis rien.

— Elle la serrait dans sa main crispée, ajouta le commissaire.

— Plutôt moche, reconnus-je. C’est moi l’assassin ?

Florimond Faroux haussa les épaules :

— Peut-être que c’est ce qu’on a voulu nous suggérer. Peut-être s’agit-il d’une mise en scène maladroite. Peut-être n’en est-ce pas une. Peut-être, après tout, cette femme, dans les affres de l’agonie, a-t-elle saisi n’importe quel papier parmi ceux répandus autour d’elle, et elle est tombée sur votre carte. Peut-être, plus simplement, le meurtrier est-il du genre farceur. Dégotant cette carte de visite parmi



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