Neige sur Ballyglass House by John Banville

Neige sur Ballyglass House by John Banville

Auteur:John Banville [Banville, John]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 2022-09-07T22:00:00+00:00


17.

Il lui épargna le pire du meurtre, plus par lâcheté que par considération. Il ne put se résoudre à lui dire ce qu’on avait infligé à son frère agonisant. À quoi bon lui révéler ce détail ? Avec un peu de chance, elle ne l’apprendrait jamais – aucun quotidien du pays n’oserait publier des faits aussi scandaleux.

Ce qu’il lui raconta était déjà suffisamment dur. Il parla, debout près du poêle à charbon, en se tapotant la cuisse à coups de chapeau tandis qu’elle était assise sur sa chaise droite, chevilles croisées et mains nouées sur les genoux. Elle pleurait sans larmes, les épaules frémissantes, en laissant échapper de temps à autre un sanglot sec et strident.

« Qui a pu le tuer comme ça, en lui plantant un couteau dans le corps ? gémit-elle doucement en levant les yeux vers lui avec une sorte d’étonnement désespéré. Il n’a jamais fait de mal à personne. »

Elle ferma les paupières, et il aperçut le tracé des minuscules veines bleutées sur sa peau tendue et fine comme du papier.

« Je lui avais dit, poursuivit-elle avec amertume, je lui avais déconseillé de fréquenter cette maison, de se mêler à ces gens et d’essayer de faire comme s’il était des leurs. Derrière son dos, ils se moquaient de lui, et c’est tout. Le colonel Osborne n’arrêtait pas de raconter qu’il permettait à Tom de laisser son cheval dans ses écuries sans rien lui demander en retour, alors qu’en réalité Tom payait ce privilège au prix fort. Ils sont doués pour ce genre de choses, les protestants, ils nous regardent de haut et se comportent comme si tout ce qu’ils faisaient pour nous relevait d’une faveur, et après ils empochent notre argent sans un mot de remerciement. »

Elle s’interrompit, et son front s’empourpra légèrement.

« Je suis désolée, marmonna-t-elle, mais c’est la vérité. »

Il ne dit rien. Il n’éprouvait aucune rancœur. Dans ce pays à problèmes, les deux parties avaient des motifs d’amertume.

Un rouge-gorge vint se poser sur le rebord de la fenêtre et s’y attarda, la tête penchée, comme s’il cherchait à suivre leur conversation. Il avait vu un rouge-gorge la veille aussi, quelque part. C’était leur saison de prédilection. Noël. Les bûches. Les couronnes. La solitude.

Moi, a dit le moineau, avec mon arc et ma flèche, j’ai tué le rouge-gorge, songea Strafford en repensant à une comptine pour enfants.

« Vous aviez l’impression que votre frère avait des secrets, reprit Strafford d’un ton doux et volontairement distrait, car, à l’instar du rouge-gorge sur le rebord de la fenêtre, Rosemary Lawless était tout à fait capable de prendre peur. De quel ordre à votre avis ? Le savez-vous ? »

Elle hocha la tête, muette.

« Il ne me parlait pas, dit-elle. Il le faisait, quand il était petit. Il avait peur de papa – tous les deux, on avait peur de lui – et parfois il me glissait une confidence à ce sujet.

— Quoi donc par exemple ? Quel genre de choses ?

— Juste… oh, juste qu’il n’arrivait pas à dormir, qu’il pensait à lui.



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