Mort d'un homme heureux by Fontana Giorgio

Mort d'un homme heureux by Fontana Giorgio

Auteur:Fontana, Giorgio [Fontana, Giorgio]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Seuil
Publié: 2016-02-08T23:00:00+00:00


12

C’était comme un parfum de cacao qui entrait par la fenêtre de la portière : des prés pelés filaient vers l’horizon, sous un ciel qui s’était soudain fait plus vaste : et, çà et là, une masure, une ferme en ruine, un panneau indicateur qui annonçait des sorties aux noms inconnus. Devant lui, au-dessus de l’asphalte qui vibrait sous la chaleur, Colnaghi aperçut, immobiles et énormes, des nuages blancs et gris tourterelle qui dans les airs occupaient la moitié du paysage.

« On est bientôt arrivés ? demanda Daniele.

– Allons, ça suffit, fit Colnaghi en le dévisageant dans le rétroviseur. On vient de partir. »

Une demi-heure plus tard, juste avant la bretelle de Tortona, le garçon ne se sentit pas bien. Ils s’arrêtèrent sur une aire de stationnement et il rendit son petit déjeuner tandis que Mirella lui tenait le front avec une main. Incertain devant ce fils si fragile, Colnaghi ne percevait pas en lui l’amour qu’il aurait tant souhaité éprouver : et, une fois de plus, il se sentit coupable.

Il fallut faire une autre pause-vomi avant que la mer se déploie devant eux après l’échangeur de Vintimille, en se découpant soudain, tel un don inespéré. Les nuages avaient presque disparu et, sous la lumière qui tombait d’aplomb en cette mi-journée, l’eau scintillait par intervalles : le friselis des vagues émergeait en en entaillant la surface semblable à une détrempe sombre.

Ils descendirent de voiture. Colnaghi était fourbu, accablé de chaleur et de pensées mauvaises. Il déchargea la voiture et prit la main de Mirella : elle était moite. Il fit son possible pour la tenir jusqu’à l’hôtel, puis il la délaissa pour aller aux toilettes. Giovanni eut une espèce de crise de nerfs pendant le déjeuner : il pleurait jusqu’à s’en étouffer et il en vint même à se taper la tête contre la table. Mirella l’emmena dans la chambre et elle revint quand il fut calmé ; il dormait : « Il était juste fatigué, dit-elle. Le pauvre, pour lui c’était un long voyage, il faut le comprendre. »

Ils prirent leur café en bavardant avec le propriétaire, un vieux Toscan qui s’était installé en Ligurie il y avait des années ; Mirella lui demanda où était leur parasol et ils sortirent pour aller à la plage. Colnaghi n’avait même pas pris de maillot de bain, mais Mirella parvint à le convaincre d’en acheter un au kiosque (ils en vendaient quelques-uns, colorés et saugrenus, à côté des journaux et des cigarettes à la sauvette).

Sous le parasol, il essaya de se détendre en regardant le ciel et en dessinant avec le gros orteil du pied droit des cercles qui allaient en rétrécissant.

« Tiens, les Riva sont là aussi », dit Mirella en abaissant légèrement ses lunettes de soleil sur son nez. Colnaghi regarda dans la même direction que sa femme : un homme gros, coiffé d’un chapeau vert, et une femme blonde qui leur tournait le dos. Entre eux, une petite fille jouait sagement avec le sable.

« Eh bien ?

– Ils sont ennuyeux comme la mort.



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