Mondo et autres histoires by Le Clezio J-M-G

Mondo et autres histoires by Le Clezio J-M-G

Auteur:Le Clezio, J-M-G [Le Clezio, J-M-G]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Folio
Publié: 2012-02-04T12:56:32+00:00


Hazaran

on regardait le ciel, et on disait, avec un peu d'inquié-tude, à la manière des marins :

« Il va y avoir de la tempête. »

Et quand le soleil de l'hiver brillait dans le ciel bleu, on commentait :

« Il a de la chance aujourd'hui. »

Mais on ne disait jamais beaucoup plus, parce que c'était comme un pacte qu'on avait conclu sans le savoir avec Daniel, une alliance de secret et de silence qu'on avait passée un jour avec lui, ou bien peut-être comme ce rêve qu'on avait commencé, simplement, un matin, en ouvrant les yeux et en voyant dans la pénombre du dortoir le lit de Daniel, qu'il avait préparé pour le reste de sa vie, comme s'il ne devait plus jamais dormir.

La Digue des Français, ce n'était pas vraiment une ville, parce qu'il n'y avait pas de maisons, ni de rues, seulement des huttes de planche et de papier goudronné et de la terre battue. Peut-être qu'elle s'appelait comme cela parce qu'elle était habitée par des Italiens, Yougoslaves, Turcs, Portugais, Algériens, Africains, des maçons, des terrassiers, des paysans qui n'étaient pas sûrs de trouver du travail et qui ne savaient jamais s'ils allaient rester un an ou deux jours. Ils arrivaient ici, à la Digue, près des marécages qui bordent l'estuaire du fleuve, ils s'installaient là où ils pouvaient et ils construisaient leur hutte en quelques heures. Ils achetaient des planches à ceux qui partaient, des planches tellement vieilles et percées de trous qu'on voyait le jour au travers. Pour le toit, ils mettaient des planches aussi, et de grandes feuilles de papier goudronné, ou bien, quand ils avaient la chance d'en trouver, des morceaux de tôle ondulée tenus par du fil de fer et des cailloux. Ils bourraient les trous avec des bouts de chiffon.

C'était là que vivait Alia, à l'ouest de la Digue, non loin de la maison de Martin. Elle était arrivée ici en même temps que lui, tout à fait au début, quand il n'y 192

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avait qu'une dizaine de huttes, et que la terre était et que le camion allait le reprendre dans une heure.

encore toute molle avec de grands champs d'herbe et Mais il était resté.

des roseaux, au bord du marécage. Son père et sa mère Martin ne s'était pas installé au centre de la Digue. Il étaient morts accidentellement, alors qu'elle ne savait était allé tout à fait au bout du marais, là où commen-rien faire d'autre que jouer avec les autres enfants, et cent les galets de la plage. C'était là qu'il avait sa tante l'avait prise chez elle. Maintenant, après construit sa hutte, tout seul sur ce morceau de terre quatre ans, la Digue s'était agrandie, elle couvrait la dont personne d'autre n'aurait voulu, parce que c'était rive gauche de l'estuaire, depuis le talus de la grand-trop loin de la route et des pompes d'eau douce. Sa route jusqu'à la mer, avec une centaine d'allées de maison était vraiment la dernière maison de la ville.

terre battue et tellement de huttes qu'on ne pouvait Martin l'avait construite lui-même, sans l'aide de pas les compter.



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