Minuit dans une vie parfaite by Collins Michael

Minuit dans une vie parfaite by Collins Michael

Auteur:Collins, Michael
La langue: fra
Format: epub
Tags: Litt. étrangère
Éditeur: Christian Bourgois
Publié: 2009-05-15T00:00:00+00:00


* * *

← 14.

Magasin de type Emmaüs. Good will signifie « bonne volonté ».

← 15.

Knight signifie « cavalier ». En ôtant son K à knight, on obtient night, « nuit ».

← 16.

Night of Infinite Resignation.

16

En revoyant la vidéo au cours de l’après-midi, j’étais de nouveau à la recherche de mon père, afin de désamorcer son antagonisme, car je voulais l’attirer dans le cours de ma vie actuelle, cristalliser ses perceptions dans mon écriture, bref prêter une voix et une perspective à ce qui n’était encore que reportage et pas encore récit.

Je dénichai le masque en caoutchouc à l’effigie de Nixon dont je m’étais servi pour appliquer « la méthode[17] » et m’en revêtis. Il faisait déjà une température torride dans l’appartement. J’injectai à ce que j’avais déjà écrit du désespoir, un souffle court, jouant des staccatos sur mon clavier, en proie à une sensation de suffocation quand je parvenais jusqu’au bout d’une pensée.

Par moments, épuisé, j’ôtais le masque, rien que pour pouvoir respirer. C’est ainsi que j’ai révisé certains passages pondus la semaine précédente, en plaçant mon père dans le Chicago d’aujourd’hui, dans cet appartement même, pour qu’il voie à travers mes yeux, écoute grâce à mes oreilles, dans le but de provoquer en moi un regain de détachement artistique, de clairvoyance, d’aptitude à être un autre.

Souvent dans la vie, quand les choses se passent bien, elles se passent très bien, et à cette heure de percée créative cela se vérifia une fois de plus. Un matin, alors que je travaillais avec la radio en bruit de fond, les conneries d’une auditrice sur la déclaration évasive de Clinton à propos de l’affaire Lewinsky captèrent mon attention.

Je suspendis tout. Fermant les yeux, je laissais résonner sous mon crâne la voix de cette femme, comme si elle ne s’adressait qu’à moi. Une voix issue d’un mouvement de violente réaction chrétienne : car la nation était embarquée dans un mélodrame clinquant avec en tête d’affiche le président des États-Unis, Monica Lewinsky et la confidente maléfique, Tripp, sauf que Monica n’était pas Marilyn, et l’épopée chevaleresque du « nouveau Camelot » de l’ère Kennedy avait été supplantée par une sordide réalité de salle de garde où un président se tapait une grosse nana dans le bureau ovale.

Oui, j’étais en verve, mais pas dans le droit fil du matériau qui avait tant fasciné Fennimore. Et tout à coup, cela me frappa comme un trait de lumière : Nixon, c’était du passé ; la psychose de ma muse, comprenez mon père ; trop guerre froide, trop daté. J’avais perdu un lien essentiel avec la modernité.

Pour la beauté de l’expérience, j’opérai une mue complète en achetant dans un magasin de farces et attrapes un masque de Bill Clinton avec un gros nez du dernier grotesque.

Bien entendu, je mis un certain temps à me dépouiller de l’abnégation zélée de Nixon, de sa réaction viscérale à l’infiltration communiste. Il était, et restera à jamais, un personnage aux intentions aussi nobles que ses actes furent brutaux. Au début, j’eus beaucoup de mal à me brancher sur la vacuité de Clinton. Il m’apparaissait comme le



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