Micmac moche au boul'mich' by Léo Malet

Micmac moche au boul'mich' by Léo Malet

Auteur:Léo Malet [Malet, Léo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Publié: 1956-12-31T23:00:00+00:00


CHAPITRE VIII

SYMPHONIE SAUVAGE PLACE DE LA CONTRESCARPE

MAIS le lendemain matin, ça allait beaucoup mieux. On guérit bien la coqueluche en prenant de l’altitude. Ça allait beaucoup mieux et, à partir de midi, tout à fait bien. La tête un peu lourde, peut-être, comme une sorte de gueule de bois, mais je suis souvent sorti me promener en cet état. De plus, il faisait beau. La neige d’il y avait… combien, au fait ? Quatre jours ? Oui, quatre jours… la neige d’y il y avait quatre jours n’était plus qu’un souvenir. Son offensive avait avorté.

Je sortis.

Objectif : Yolande.

Van Straeten exigeait une certaine préparation, inutile dans le cas de Yolande. Une fois en présence de la jeune étudiante, je lui demanderais l’autorisation de jeter un coup d’œil sur son bouquin. C’était tout. Un truc facile. Tout à fait le boulot peinard et pas cassant qui s’imposait quand on relevait de maladie.

Je pris la direction de la place de la Contrescarpe.

Chère place de la Contrescarpe, provinciale et touchante, avec sa vespasienne, son kiosque de la R.A.T.P., son terre-plein planté d’arbres, sa ceinture de vieilles maisons s’étayant l’une l’autre, ses bistrots. La populeuse rue Mouffetard, qui y débouche, était aussi calme que la place. Ce n’est pas souvent que le silence enveloppe la Mouffe. Mais, à cette heure-ci, les commerçants faisaient encore la sieste ou se penchaient sur leurs livres de comptes… À toutes fins utiles, comme on dit.

J’arrêtai ma voiture au début de la rue Lacépède, devant la boutique délavée d’un Salon de Lecture populaire. Sur la place, le 84 démarrait, emportant quatre pelés et trois tondus vers la Porte de Champerret. Un autre autobus prenait sa place à la station. Receveur et machiniste en descendirent. Le premier s’engouffra dans la vespasienne. Le second s’approcha, curieux, d’un tacot rangé le long de la bordure du terre-plein, et qui valait le coup d’œil. Modèle 1925 à peu près et peint pour la dernière fois un an plus tard environ. Un chat, allongé sur le capot de cet objet de musée, ronflotait doucement, à moins qu’il ne guignât les pigeons sautillant du pied d’un arbre à un autre. Le machiniste caressa le chat sous le cou. Et puis, son collègue le rejoignit et ils se perdirent tous deux dans la contemplation goguenarde de l’invraisemblable engin.

Au rez-de-chaussée d’une étroite bâtisse de deux étages, j’avisai le bal antillais en question, signalé à l’attention des connaisseurs par une devanture d’un vert à arracher les dents, et décorée de palmiers et de noix de coco. Un jeune Noir en salopette nettoyait les vitres au blanc d’Espagne.

Je me hasardai dans le couloir obscur, à droite de l’entrée du bal. Je consultai une rangée de boîte aux lettres. Il y en avait bien une au nom de Toussaint Lanouvelle, mais ça ne m’indiquait pas son étage, ni son appartement. Je ressortis, pour interviewer le laveur de vitres.

« Oh ! à c’tte heu, y a pehsonne dans la baaque, m’ssié », fit-il.

Hilare, et avec un tel accent de moricaud de bazar qu’aucune erreur n’était permise.



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