Mensonges et Cie by Philip K. Dick

Mensonges et Cie by Philip K. Dick

Auteur:Philip K. Dick [Dick, Philip K.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science Fiction
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 1984-01-01T00:00:00+00:00


10

Il était assis dans un charmant salon ; en face de lui, un homme corpulent à l’air jovial mâchonnait un cure-dent et le regardait avec un mélange de sympathie et d’indulgence amusée. Puis le gros homme se tourna pour grommeler quelque chose à un autre homme élégant au visage mince, entre deux âges, qui regardait également Rachmael mais avec une moue sévère, presque réprobatrice.

— Finalement rentré pour quelques bouffées d’air véritable, déclara le gros homme en désignant Rachmael d’un signe de tête.

— L’air véritable, cela n’existe pas, répliqua une femme assise en face des deux hommes. (Grande, la peau sombre, avec des yeux très noirs et particulièrement pénétrants, elle dévisageait Rachmael et ce dernier s’imagina un instant qu’il regardait Freya.) Tout l’air est véritable ; c’est cela, ou bien pas d’air du tout. À moins que vous ne pensiez qu’il puisse exister de l’air imaginaire.

L’homme corpulent gloussa et donna un petit coup de coude à son compagnon.

— Écoutez ça ; vous avez entendu ? Dans ce cas, je crois que tout ce que nous voyons est réel ; rien n’est falsifié.

Il s’adressa à Rachmael :

— Tout, y compris la mort et le fait d’être…

— Est-ce que vous ne pourriez pas discuter de ce genre de choses plus tard, dit un jeune homme aux cheveux bouclés qui se trouvait à l’autre bout de la pièce. Il est en train de faire un exposé particulièrement important, et c’est le Président que nous avons élu, après tout.

Son regard fit le tour de la pièce meublée avec goût, et passa sur toutes les personnes présentes, y compris Rachmael. Onze personnes en plus de lui-même, remarqua-t-il ; onze plus moi, mais que suis-je ? Son esprit, embrumé, demeurait dans une sorte de curieuse pénombre, une brume sombre qui gênait sa faculté de penser ou de comprendre ; il pouvait voir les gens, et la pièce. Mais il ne pouvait pas identifier cet endroit, ni ces personnes – et il se demanda si la faille le séparant du monde qui lui avait été familier était si grande qu’elle l’avait englouti lui-même ; sa propre identité psychique, son moi ordinaire avait-il été aussi supprimé, pour céder la place à un autre assemblage de matière ? Alors, il examina ses mains. De simples mains ; elles ne lui apprendraient rien, sinon qu’il avait des mains et qu’il pouvait les voir – il pouvait tout voir, sans la moindre difficulté. Des couleurs ne jaillissaient pas des murs, des rideaux ou des tableaux, ni des vêtements des femmes assises avec désinvolture ; aucune chose déformée ou agrandie ne flottait comme un îlot intermédiaire entre cet environnement parfaitement tangible et le système de perception qu’il avait développé au cours de sa vie.

Une grande fille séduisante qui se tenait à côté de lui se pencha brusquement pour lui dire à l’oreille :

— Vous voulez une tasse de cafersatz ? Vous devriez boire quelque chose de chaud. Je vais vous le préparer.

Puis elle ajouta :

— En fait, c’est une imitation de cafersatz, mais vous savez, j’en suis sûre, que nous n’avons pas ici de cafersatz authentique, sauf en avril.



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