Même que ça s'peut pas! by Patrick Sebastien

Auteur:Patrick Sebastien [Sebastien, Patrick]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: XO Éditions
Publié: 2016-02-07T16:00:00+00:00

Et encore une femme ! Une madone de secours. Elle s’appelle Marie-Louise. C’était l’épouse d’Olivier. Il l’avait connue secrétaire de Jacques Marouani dans un bureau minuscule. Elle deviendra sa geisha dans un amour majuscule. Elle abandonnera tout pour ne se consacrer qu’à lui et à leurs enfants. Quelques heures après l’accident, je l’appellerai pour un sauvetage mutuel. Encore la survie. Elle prendra sa place. Pour la gérance de la boîte de production et pour tout mon intime. En confiance totale, comme lui. Et je l’aime autant que lui.

Alors, bien sûr, pour les quarante ans qu’on s’était promis de fêter ensemble, Olivier et moi, je resterai seul avec mon manque. Essoufflé. Sans suffisamment d’air dans les poumons pour souffler les bougies. Je reporterai la fête d’un an. Le 14 novembre 1994. Le départ d’un autre Titanic. Je devrais l’orthographier Titanique. Pour la rime avec politique, et puis, plus trivialement, pour « nique » à la fin. Tant, sur ce coup, je me suis fait baiser en profondeur.

— Je t’avais dit pourtant de ne pas te mêler de politique, me glisse Maman.

— Mais tout est politique. Et quand on a la parole, et qui plus est quand on est clown populaire, mettre les pieds dans le plat est un devoir de citoyen. Une mission presque. Pour que le miroir de nos fatuités ne nous renvoie pas, toute lâcheté consommée, qu’un ersatz de conscience.

Maman me coupe, sèche et réaliste :

— Ce sont de bien grands mots pour une belle connerie !

Elle a raison. Le 14 novembre 1994, au hasard d’une poignée de main amicale, je mettrai le doigt dans un engrenage qui me broiera. Et pourtant, c’était une soirée de rêve. Chez Guy Savoy, mon pote étoilé. Que du beau linge, comme on dit. De la star, le staff de TF1, du politique, du sportif. Bref, mon aréopage clinquant, costumé, parfumé, venu célébrer mes quarante et une piges en intimité débordante.

Maman était fière. Son bâtard au pinacle. Reconnu, pour une fois. Et d’autant plus fière quand le « Grand » s’est encadré dans la porte d’entrée. Son idole. Son Chirac. Et pourtant, l’aigle corrézien battait de l’aile. À sept mois des présidentielles, ses plus fidèles venaient de le lâcher. Les sondages le pointaient à douze pour cent. Les fossoyeurs l’avaient déjà mis dans le sapin. Sans compter les trahisons. Il avait fait Sarkozy, et Sarkozy l’avait refait. Parti épauler sans états d’âme un Balladur sans carrure. Bernadette m’avait confié :

— Jacques est comme un mari trompé. Je ne pardonnerai jamais.

Et pourtant, aujourd’hui, le plus grand soutien de Sarkozy, c’est Mme Chodron de Courcel épouse Chirac. Les miracles de la politique. L’ennemi d’hier devient l’ami d’aujourd’hui. Les promesses qu’on ne tient pas. Les rancunes qui se transforment en adoubement. Banal ! Tellement ordinaire ! Tes infos télé débordent de ses revirements multiples. Le yo-yo des vanités. Les contraintes de l’orgueil. Les sortilèges du pouvoir. La politique quoi !

Lâché, étrillé, nettoyé, au plus bas donc, le maire de Paris en ce mois de novembre. Et pourtant, au joli mai d’après, élu président.

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