Mécaniques fatales by Reeve Philip

Auteur:Reeve, Philip [Reeve, Philip]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Young Adult, Fantasy, Science Fiction
ISBN: 9782075115537
Google: XbpPvgEACAAJ
Goodreads: 42871656
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2001-11-15T23:00:00+00:00

19

Un bain de mer imprévu

À l’heure où les brumes vespérales montaient des Purpurins Marais, Monte-Chariot s’arrêta au bord de la mer, en face d’un groupe d’îles sombres et accidentées. De longs cortèges d’oiseaux volaient au-dessus des flots argentés et, lorsque la ville eut coupé ses moteurs, les tourbières renvoyèrent l’écho des battements de leurs ailes. Des vaguelettes régulières s’écrasaient sur la berge, et le vent sifflait dans les fins oyats gris. Il n’y avait nul autre son, nul autre mouvement, ni lumière ni panache de fumée qui auraient signalé la présence d’une locomopole dans les environs, sur terre ou sur mer.

« Ladafaisse ! beugla Otto von Bugon qui se tenait debout dans la passerelle de commandement, un télescope vissé sur l’œil. Où c’est-y qu’il est passé, çui-là ? Trouvez-moi Ladafaisse ! »

Deux pirates amenèrent vivement Tom et Esther, et le maire leur adressa un grand sourire. Il tendit son télescope à Tom :

« Jette un coup d’œil, mon p’tit Tommy ! Je t’avais bien dit que je t’amènerais ici, hein ? Je t’avais bien dit qu’on traverserait les marécages sans encomb’, non ? Main’nant, vise un peu oùssque nous allons ! »

Tom prit la lunette et l’ajusta à sa vue. Des dizaines d’îlots tachetaient l’horizon. L’un d’eux, imposant, dominait, se détachait plus particulièrement, tel le dos de quelque monstre préhistorique sortant des eaux. En frémissant, le jeune apprenti déclara :

« Mais il n’y a rien du tout, là-bas ! »

Il avait fallu plus d’une semaine à Monte-Chariot pour se frayer un chemin à travers les marigots. Otto von Bugon avait beau s’être entiché de Tom, il n’avait pas voulu lui révéler ce qu’il comptait trouver, une fois arrivé au but. D’ailleurs, ses hommes n’en savaient pas plus. Mais eux se satisfaisaient pleinement des quelques minuscules bourgades réfugiées dans le labyrinthe des Purpurins Marais, plates-formes semi-statiques aux roues couvertes de mousse, dont les bâtiments en bois étaient délicatement travaillés, et que les pirates dévorèrent à belles dents. Elles étaient si petites qu’elles ne valaient guère le coup, mais Monte-Chariot les bouffait quand même, assassinant ou réduisant en esclavage leurs habitants et alimentant ses chaudières de leurs exquises sculptures.

Ça avait été une semaine éprouvante et confuse pour le pauvre Tom. Lui qui avait été élevé dans l’idée que le darwinisme municipal était un noble et merveilleux système n’avait rien vu de spécialement noble ou merveilleux à Monte-Chariot.

Lui et Esther étaient toujours considérés comme invités d’honneur, même si Bugon ne comprenait pas l’attachement du garçon pour cette gamine hideuse, taciturne et boudeuse.

« Pourquoi que t’invites donc pas ma Drapenille à sortir avec toi ? avait-il demandé un soir d’une voix cajoleuse, assis à côté de Tom dans l’ancienne salle du Conseil dont il avait fait sa salle à manger. Ou une de ces gosses qu’on a ramassées lors de la dernière prise ? Y a des beaux brins de filles dans l’tas. Et comme elles parlent pas l’anglois, elles peuvent pas se ficher de toi...

— Esther n’est pas ma copine ! » avait protesté Tom.

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