Mauvaise graine by Nicolas Jaillet

Mauvaise graine by Nicolas Jaillet

Auteur:Nicolas Jaillet [Jaillet Nicolas]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller (pop) français
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


L’homme tend à demi le bras vers une porte sans numéro.

– Là, dit-il.

Julie écoute. Elle n’entend rien. Un léger vrombissement électrique. Elle entre dans une petite pièce carrée, toujours sans fenêtres. Un frigo, une table, des chaises, un four à micro-ondes. Quelques placards. C’est le foyer, leur salle des profs à eux.

Sur la table, une baguette de pain entamée. Des miettes. Julie résiste à l’envie intense de la dévorer. Et de lécher les miettes. Elle a faim. Mais elle résiste. Il faut qu’elle gère son esclave, d’abord.

Elle dénoue le stéthoscope de son cou et cherche des yeux un meuble qui serait scellé dans le mur. Faute de mieux, elle attache l’homme à la poignée du frigo.

– Pas bouger, dit-elle.

Puis elle s’empare de la baguette. Le pain est sec. C’est une baguette de supermarché surgelée toute pourrie. Mais elle s’en délecte. Elle n’a même jamais rien mangé d’aussi bon. Elle la termine en quelques secondes, et boit longuement au robinet.

Ça va mieux.

Dans le frigo, elle tombe sur du vieux pâté. Dommage qu’elle ait fini le pain. Elle se l’enfile vite fait, avec les doigts, tout en inspectant le reste du frigo. Des hamburgers entamés, un morceau de fromage, un sachet de saucisses douteuses, cinq bières, dont une entamée. Dans les placards : des chips, une boîte de thon, un paquet de gâteaux secs. Elle avale tout ça y compris les cinq bières, c’est toujours de la nourriture, puis elle se laisse tomber sur une chaise.

La douleur dans son crâne s’estompe.

Manger, c’est ce qu’il lui fallait. Des protéines, surtout. De la viande. De la barbaque.

Elle plonge les yeux dans ceux du jeune homme qui l’observe, pendu à son frigo. Elle cherche à lire ses pensées à travers son regard, mais elle n’y voit pas grand-chose, à part une démence naissante, et grandissante. Le regard du type est tellement vide, qu’il ressemble à un miroir.

– Bon, c’est pas tout ça, dit-elle. Il faut que je me casse. Je suppose que t’as une bagnole ?

L’homme fait « oui » de la tête, sans exprimer d’émotions supplémentaires.

– T’as les clés sur toi ?

L’homme désigne du menton la poche avant de son pantalon. Julie la fouille avec une petite grimace. Le tissu est trempé d’urine.

– Eh ben mon vieux, ça sent pas la rose, là-dedans, dit-elle. C’est quoi, ta caisse ?

L’homme ne réagit pas à sa remarque. Il semble au-dessus de tout ça. Il répond mécaniquement :

– Une Kangoo. Dans le parking souterrain. Premier sous-sol.

– Quelle couleur ?

– Bleu-gris.

Elle acquiesce. Elle ne sait pas forcément pourquoi. Elle se dit que c’est bien, d’avoir des clefs de voiture, et de savoir que cette voiture est une Kangoo bleu-gris.

– C’est quoi, ici ?

– Une clinique.

– Une clinique comment ?

– Spécialisée.

– Spécialisée dans quoi ?

– Dans la recherche.

Julie soupire. Il se fout de sa gueule. Il faut qu’il arrête.

Elle pose les doigts sur son cou. Sans serrer. Comme une caresse. Mais ils savent tous les deux que, si l’envie la prend, elle peut lui briser les vertèbres. L’homme ferme les yeux. Ses lèvres tremblent. Elle a pitié de lui, mais en même temps, elle le hait.



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