Manuel à l'usage des femmes de ménage by Berlin Lucia

Manuel à l'usage des femmes de ménage by Berlin Lucia

Auteur:Berlin, Lucia [Berlin, Lucia]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 2017-01-05T20:44:35.866000+01:00
Éditeur: Grasset
Publié: 8578-01-14T23:00:00+00:00


— On a fait des kilomètres, papa. Regarde nos mains, c’est des ampoules à force de ramer ! Tu as ressenti la secousse ?

Il était en train de jouer à ce moment-là, se trouvait sur le green. Le cauchemar du golfeur… voir sa balle s’éloigner du trou et revenir à vous !

Les jeunes hommes sont dans le hall, en train de parler avec le réceptionniste. Oh, comme ils sont beaux. Forts et hâlés, avec des dents blanches. Ils ont une tenue voyante, le milieu de la vingtaine. Celui de Claire, le brun, a une fossette au menton. Quand il baisse les yeux, ses cils caressent ses pommettes bronzées. Sois sage, ô mon cœur ! Claire rit. Herr von Dessaur déclare qu’ils sont bien trop âgés, et vulgaires, visiblement de la pire espèce. Des paysans, sans doute. Passant devant eux, il escorte les deux filles, leur recommande de lire dans leur chambre en attendant le dîner.

La salle à manger est en fête. À cause du tremblement de terre les gens se saluent de loin, parlent aux serveurs, bavardent entre eux. Il y a des musiciens, qui sont très vieux. Des violons jouent des tangos, des valses. « Frenesi ». « La Mer ».

Les jeunes hommes se tiennent sur le seuil, encadrés par des palmiers en pot et des appliques en velours bordeaux.

— Papa, ce ne sont pas des paysans. Regarde !

Ils resplendissent dans l’uniforme bleu pastel des cadets de l’armée de l’Air chilienne. Bleu pâle orné d’un galon d’or. Col montant et épaulettes, boutons dorés. Ils portent des bottes à éperons, des capes en laine qui descendent jusqu’à terre, des épées. Ils tiennent leur calot et leurs gants au creux du bras.

— Des militaires ! Encore pire ! s’esclaffe Herr von Dessaur.

Il détourne son visage, essuyant des larmes d’hilarité.

— Des capes, un soir d’été. Des éperons et des épées dans un avion ? Bon sang, visez-moi ces pauvres idiots !

Claire et Gerda les contemplent, pâmées. Les cadets leur renvoient un regard expressif, des petits sourires. Ils s’installent à une table près du kiosque, buvant du cognac dans de grands verres ballon. Le blond a un fume-cigarette en écaille qu’il coince entre ses dents.

— Papa, reconnais-le, ses yeux sont juste du même bleu que sa cape.

— Ah oui, le bleu Armée de l’Air chilienne. L’armée de l’Air chilienne n’a même pas d’appareils !

Il devait faire trop chaud, finalement. Ils vont s’attabler près de la porte qui donne sur la terrasse, drapent leurs capes sur leurs sièges.

Les filles supplient qu’on les laisse veiller encore un peu, pour écouter la musique, voir danser le tango. La sueur fait boucler les cheveux sur le front des danseurs qui se regardent droit dans les yeux, hypnotisés. Comme des somnambules, ils virevoltent et plongent au son des violons.

Les garçons, Roberto et Andrés, font claquer les talons de leurs bottes. Ils se présentent au père de Gerda, demandent la permission de danser avec les deux demoiselles. Herr von Dessaur commence par refuser mais il les juge toujours si amusants qu’il dit une danse et au lit.



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