Manhattan Transfer by John Dos Passos

Manhattan Transfer by John Dos Passos

Auteur:John Dos Passos [Passos, John Dos]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gallimard
Publié: 2021-07-11T16:00:00+00:00


V

NOUS SOMMES ALLÉS

À LA FÊTE DES ANIMAUX

Lumière rouge. Cloche.

Sur la longueur d'un block, quatre rangs d'automobiles attendent au passage à niveau, pare-chocs contre feux arrière. Les garde-boue frottent les garde-boue, les moteurs ronflent, les tubes suintent. Autos de Babylon et de Jamaica, autos de Montauk, de Port Jefferson, de Patchogue, limousines de Long Beach, de Far Rockaway, torpédos de Great Neck… autos pleines d'asters et de maillots de bain mouillés, de coups de soleil sur la nuque, de bouches poisseuses de sodas et de hotdawgs… Autos saupoudrées de pollen de jacobées et de verges d'or.

Lumière verte. Les moteurs s'affolent. Les leviers grincent en première vitesse. Les autos s'espacent, s'écoulent en un long ruban sur la sombre route macadamisée, entre des usines en ciment armé, aux fenêtres noires, entre les taches de couleurs vives des affiches. Elles se dirigent vers la lueur qui monte au-dessus de la ville, incroyablement haut dans le ciel nocturne, comme la lueur d'une grande tente illuminée, comme le cône doré d'une tente de cirque.

SARAJEVO, le mot se colla à sa gorge quand elle essaya de le prononcer…

« C'est terrible à penser, terrible…, grondait George Baldwin. Wall Street est foutue… On va fermer le Stock Exchange. Il n'y a pas autre chose à faire.

— Je n'ai jamais été en Europe non plus… Une guerre, ça doit être une chose extraordinaire à voir. »

Ellen, dans sa robe de velours bleu recouverte d'un manteau de cuir, s'adossait aux coussins du taxi qui ronflait doucement au-dessous d'eux.

« Je me représente toujours l'histoire comme les images des livres de classe : des généraux faisant des proclamations, des petits bonshommes courant dans la campagne, les bras tendus, des fac-similés de signatures. »

Des cônes de lumière coupent des cônes de lumière le long de la chaude route bourdonnante ; les phares éclaboussent les arbres, les maisons, les affiches, les poteaux télégraphiques, et les badigeonnent de blanc. Le taxi fit demi-tour et s'arrêta devant un restaurant champêtre qui laissait filtrer de la lumière rose et des ragtimes par toutes ses fentes.

« Il y a foule, ce soir, dit le chauffeur quand Baldwin le paya.

— Je me demande pourquoi, dit Ellen.

— Le crime de Canarsie y est pour quelque chose, je pense.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Quelque chose d'horrible. Je l'ai vu.

— Vous avez vu le crime ?

— Je ne l'ai pas vu commettre. J'ai vu les corps couchés tout raides avant qu'on les emporte à la morgue. Quand on était gosse, on appelait le type le Bonhomme Noël, à cause de ses favoris blancs… J'le connais depuis que j'étais tout petit. »

Derrière eux, les autos ronflaient et faisaient hurler leur klaxon.

« Je ferais aussi bien de partir… Bonsoir, madame. »

Le couloir rouge sentait le homard, les coquillages à l'étouffée et les cocktails.

« Oh ! hello, Gus !… Elaine, permettez-moi de vous présenter Mr. et Mrs. McNiel… Miss Oglethorpe. »

Ellen serra la main d'un homme au cou rouge et au nez épaté, et la petite main soigneusement gantée de sa femme.

« Gus, j'aurais un mot



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