Madame Gil Blas by Féval (père) Paul

Madame Gil Blas by Féval (père) Paul

Auteur:Féval (père), Paul [Féval (père), Paul]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
Éditeur: Feedbooks
Publié: 1857-09-17T23:00:00+00:00


Chapitre 18

Ma première aventure de sage-femme.

Selon mon estime, au moment où j’obtins mon diplôme, j’étais dans ma vingtième année. Au lieu de réparer des ans l’irréparable outrage, j’avais été obligée de le hâter. Je pense que Dieu me pardonnera cette petite supercherie. C’était tout à fait à la fin de 1839. Le jour même où j’eus mon parchemin, vers dix heures du soir, on sonna à la porte de madame Mutel. Celle-ci était harassée de fatigue. Elle venait de se mettre au lit. J’allai ouvrir. Un homme entre deux âges se présenta : figure honnête et bourgeoise, œil débonnaire.

– Est-ce vous qui êtes la sage-femme ? me demanda-t-il.

– C’est moi, répondis-je sans hésiter.

La chambre n’était éclairée que par une lampe chargée de son abat-jour. L’étranger jeta sur moi un regard et reprit :

– C’est pour un accouchement, tout de suite. – Le temps de prendre mon châle et mon chapeau, dis-je, je suis à vous.

Il est certain que j’avais de fâcheux pressentiments par rapport à ma bonne Eugénie. Les courses de nuit ne sont pas sans danger pour les sages-femmes. Je voulais autant que possible les lui éviter. J’avais abrégé mon colloque avec le client nouveau, parce que j’espérais qu’elle n’aurait point entendu. Je me trompais. Pendant que je m’habillais rapidement, elle m’appela.

– Que veut-on ? me demanda-t-elle. – Rien, répondis-je ; une femme qui venait se faire visiter… j’ai dit que vous n’étiez pas là.

Elle se rendormit. J’étais prête. Je descendis avec mon gros chauve, qui avait l’air tout innocent. Un fiacre nous attendait à la porte. Je regardai dedans, car j’avais la tête pleine d’histoires plus ou moins romanesques, et je n’étais pas très-rassurée.

– Est-ce que vous croyez que j’ai amené l’accouchée ? me demanda candidement mon chauve.

Cette bêtise me donna confiance. Je ne sais pourquoi on a confiance dans les gens qui ont l’air bête. C’est un grave tort. Du reste, le fiacre était vide. Nous y montâmes.

– Où donc allons-nous ? demandai-je. – Oh ! pas bien loin, me répondit mon chauve : là-bas, du côté de l’Hôtel-Dieu… vous savez.

Je le regardai plus attentivement. Il jouait tant qu’il pouvait avec les brassières du fiacre.

Je voulus savoir qui l’avait adressé à la maison. Je le lui demandai.

– Ma foi, me répondit-il, vous savez… c’est M. Moreau… ou M. Martin… les connaissez-vous ?

Nous arrivions au pont de l’Hôtel-Dieu. Le fiacre allait bon trot, il dépassa l’hospice et se mit à courir le long des quais.

– Vous m’aviez dit, m’écriai-je, que c’était du côté de l’Hôtel-Dieu. – Oh ! fit mon chauve, vous savez… un peu plus loin… place Maubert… montagne Sainte-Geneviève… rue Mouffetard… Moi, je ne connais pas bien Paris…

Cette réponse me mit martel en tête. J’eus un instant l’idée d’appeler au secours par la portière. Mais il y avait encore beaucoup de monde dans les rues. Les marchands de vins et les estaminets restaient ouverts. Je me raillai moi-même et me traitai de poltronne. Nous traversâmes la place Maubert. Malgré la méchante apparence de ses rosses, le fiacre se mit à gravir au grand trot la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève.



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