Ma liberté a le goût des larmes by ANTOINE Cédric Charles

Ma liberté a le goût des larmes by ANTOINE Cédric Charles

Auteur:ANTOINE, Cédric Charles [ANTOINE, Cédric Charles]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Suspense
Publié: 2021-09-20T22:00:00+00:00


L’innocent demeura nu, allongé dans la poussière, la bouche grande ouverte, les yeux figés par la mort. Une couleur brunâtre enveloppa son cadavre alors qu’un filet de bave encore chaud coulait sur les pavés souillés. En lui offrant du chocolat pour me faire pardonner de ce que j’étais, je l’avais tué...

Les trains de la mort

Bialystok, avril 1942

Les bolcheviks résistaient au-delà des plans initiaux prévus par nos stratèges. Le front de l’est signifiait enlisement, bourbier, guerre d’usure. Des millions de soldats se battaient là-bas sur différentes zones. L’hiver avait été démoniaque, des températures avoisinant les moins quarante degrés n’avaient pas empêché les Russes de combattre contre nos troupes.

Depuis l’avènement du printemps, je reprenais un peu de forces, épuisée par mon travail, les astreintes, le stress, le bruit des trains, le froid et les hurlements incessants des blessés. Ce matin-là, j’étais en poste à la gare Centrale, dans l’attente d’un nouveau convoi en provenance de l’URSS, de Kiev.

Assise sur un banc à l’écart des infirmières et des médecins, je fixai les rails pour oublier ma peine quotidienne. Le silence de la nature, au-delà de la voie ferrée, attira mon attention. Des bourgeons s’ouvraient sur les branches des arbres, le renouveau était en marche. Le triste manteau d’hiver laissait place à une explosion colorimétrique. Malgré la pénitence d’être là à procéder à une besogne atroce, j’avais encore envie de croire à la beauté des éléments, à la magie des saisons. Il fallait que je me raccroche à quelque chose d’authentique pour ne pas sombrer au milieu de ce désastre humain. D’un côté, le ghetto et ses hordes de morts-vivants, et de l’autre, les estropiés de la guerre renvoyés sur le territoire du grand Reich allemand.

Je ne supportais plus mon travail et cette ville sinistre. Je n’arrivais pas à me faire d’amis. Ici, pas de loisirs, pas d’amour, uniquement de la souffrance, des ordres, des pleurs, du sang, de la maltraitance, des détonations, des exécutions ; une accumulation d’horreurs qui, à force, m’avait rendue plus insensible, plus intolérante envers les victimes de tous bords. Je devenais au fil du temps une sorte d’automate blasé par l’effroyable, accoutumé au sordide perpétré par des hommes empreints de folie. J’étais au carrefour de l’enfer, condamnée à trier des survivants, des mutilés. Ils avaient des gueules cassées, des jambes arrachées, des bras en moins. Désormais, je ne craignais plus d’affronter leurs regards emplis de désespoir et de douleur. La plupart étaient de jeunes soldats envoyés en première ligne pour leur inexpérience, de la chair à canon livrée en pâture aux ennemis d’en face après une percée des divisions blindées, des gosses de l’infanterie sacrifiés par milliers, bientôt par millions si ce conflit germano-soviétique se poursuivait encore une année. D’ici peu, nous allions fêter le premier anniversaire du déclenchement de l’opération Barbarossa, une date marquant la fin d’un rêve. Les Soviétiques, sous-estimés dans leur capacité à combattre, résistaient et parfois reprenaient des régions conquises. Ils étaient sans doute aussi fous que nous, les Allemands. Cette guerre contre nos cousins russes n’aurait jamais dû avoir lieu.



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