L'oubli des villes de l'Inde by Louiset Odette

Auteur:Louiset, Odette [Louiset, Odette]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, France, Géographie culturelle
Éditeur: Le Toto Invisible - GT
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Pérennité urbaine

Une autre présentation de la même histoire enregistrée dans l’espace, qui offre aux contemporains un espace urbain hautement diversifié et connecté, et avec lequel ils peuvent jouer, révèle la pérennité urbaine non pas au sens où la ville demeure malgré les avatars de l’histoire, mais au sens où l’urbanité désigne une capacité à assimiler le changement au point de faire de cette capacité une propriété de la ville. Une reprise des tableaux peut être orientée vers le concept en traversant le modèle spécifique.

Quelle continuité entre le spectacle offert au regard de Jean-Baptiste Tavernier au milieu du xviie siècle par la toute nouvelle ville de Baghnagar, et celui que nous découvrons aujourd’hui lors de notre atterrissage à Hyderabad ? À cette question banale, une première réponse semble s’imposer : Baghnagar et Hyderabad sont la même ville. Le spectacle a cependant changé. Les modifications du « paysage » urbain témoignent du temps qui passe et peuvent apparaître comme les jalons d’une histoire de ville, dont le fil conducteur serait la continuité de la ville elle-même. Pourtant, la pluralité des temporalités ne peut être réduite à un palimpseste dont les feuillets exhumés nous livreraient « l’essence » de la ville [Lepetit, 1993] : le passé choisi et remanié alimente les fantasmes du présent.

Pour questionner ce rapport des sociétés à l’espace et au temps, pour penser la pérennité urbaine et la ville par-delà ses métamorphoses 81, Hyderabad fournit un exemple complet. Fondée en 1591 pour remplacer la cité fortifiée de Golconde, elle a connu une croissance démographique très forte (cinquième ville de l’Union), une extension considérable de sa superficie, des rajouts, des remaniements, des mutations morphologiques, des transferts de pouvoir politique et économique… sans compter son inscription dans une « région » et un monde qui changent. La vieille capitale des Nizams est devenue une métropole high tech. Qu’ils regrettent ou célèbrent cette métamorphose, les discours actuels convergent pour dire que Hyderabad, décidément, n’est plus la même… tout en l’étant !

L’intérêt d’un éclairage indien réside moins dans la chronique historique d’une capitale avec ses « hauts » et ses « bas », ses atouts et ses faiblesses, d’ailleurs relatifs aux contextes, que dans la recherche du sens des représentations construites par la société hyderabadi elle-même. Finalement, la pérennité est-elle liée à un « génie des lieux » qui constituerait, à terme, une identité transcendante ? Est-elle à rapporter à une identité culturelle plus large qui serait celle des villes indiennes ou encore est-elle liée à ce qui définit la ville en général ? De la continuité pourrait alors s’observer à trois niveaux, celui de Hyderabad comme situation urbaine traversant le temps, celui des villes indiennes comme relevant de singularités culturelles « locales » (un modèle indien de ville ?), celui de « la ville » comme concept universel (valable en tout temps et en tout lieu). Ces trois niveaux, qui ne sont pas des échelles, requièrent une grande prudence de manipulation : la pérennité n’est pas synonyme d’immuabilité, mais intègre changements et dynamiques

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