L'orme du Mail by Anatole France

L'orme du Mail by Anatole France

Auteur:Anatole France [France, Anatole]
La langue: fra
Format: epub
Tags: fiction, classique, Europe, France
ISBN: 978-2-8247-1463-9
Éditeur: Bibebook


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Chapitre 12

M. Paillot était libraire à l’angle de la place Saint-Exupère et de la rue des Tintelleries. Les maisons qui bordaient cette place étaient pour la plupart anciennes ; celles qui s’adossaient à l’église portaient des enseignes sculptées et peintes. Plusieurs avaient un pignon pointu et la façade en colombage. Une d’elles, qui avait gardé ses poutres sculptées, était un joyau admiré des connaisseurs. Les solives apparentes étaient soutenues par des corbeaux taillés, les uns en forme d’anges portant des écus, les autres en façon de moines bassement accroupis. À gauche de la porte, le long d’un poteau, se dressait la figure mutilée d’une femme, le front ceint d’une couronne à gros fleurons. Les gens de la ville disaient que c’était la reine Marguerite. Et la maison était connue sous le nom de maison de la reine Marguerite.

On croyait, sur la foi de dom Maurice, auteur d’un Trésor d’antiquités, imprimé en 1703, que Marguerite d’Écosse avait logé en cet hôtel durant quelques mois de l’an 1438. Mais M. de Terremondre, président de la Société d’agriculture et d’archéologie, prouve, dans un mémoire solidement établi, que cette maison avait été bâtie en 1488 pour un notable bourgeois nommé Philippe Tricouillard. Les archéologues de la ville qui conduisent les curieux devant ce logis, leur montrent volontiers, en saisissant le moment où les dames sont inattentives, les armes parlantes de Philippe Tricouillard, sculptées sur un écu porté par deux anges. Ces armoiries, que M. Terremondre a judicieusement rapprochées de celles des Coleoni de Bergame, sont figurées sur le corbeau qui se trouve au-dessus de la porte d’entrée, sous le linteau de gauche. Les figures en sont peu distinctes et reconnaissables seulement pour ceux qui sont avertis. Quant à l’effigie d’une femme portant une couronne, qui est adossée à la solive perpendiculaire, M. de Terremondre n’a pas eu de peine à démontrer qu’il faut y voir une sainte Marguerite. En effet, on distingue encore aux pieds de la sainte les restes d’un corps difforme qui n’est autre que celui du diable ; et le bras droit de la figure principale, qui manque aujourd’hui, devait tenir le goupillon que la bienheureuse secoua sur l’ennemi du genre humain. On conçoit que sainte Marguerite figure à cette place depuis que M. Mazure, archiviste du département, a mis en lumière une pièce établissant qu’en l’année 1488 Philippe Tricouillard, alors âgé de soixante-dix ans environ, avait épousé depuis peu Marguerite Larrivée, fille du lieutenant criminel. Par une confusion qui n’est pas trop surprenante, la céleste patronne de Marguerite Larrivée a été prise pour la jeune princesse d’Écosse dont le séjour dans la ville de *** a laissé un profond souvenir. Peu de dames ont légué une mémoire de plus de pitié que cette dauphine qui mourut à vingt ans en exhalant ce soupir : « Fi de la vie ! »

La maison de M. Paillot, libraire, est contiguë à la maison de la reine Marguerite. Primitivement, elle était construite en colombage comme sa voisine, et la charpente apparente n’avait pas été moins curieusement sculptée.



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