Londres by Céline Louis-Ferdinand

Londres by Céline Louis-Ferdinand

Auteur:Céline, Louis-Ferdinand [Céline, Louis-Ferdinand]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gallimard
Publié: 2022-10-24T00:00:00+00:00


10

Il est tout de même rentré des Flandres le major Purcell à ma femme.

— Viens le chercher à la gare avec moi ! qu’elle a dit, je suis sûre que ça lui fera plaisir.

En douce je crois qu’elle avait un peu peur de le retrouver.

Je sais pas pourquoi. Elle se mettait de plus en plus dans des états de nervosité. Plus qu’il était près de revenir, plus qu’elle avait la tremblote. Quand je la rebaisais en force, avec les mots qu’il fallait, ça lui redonnait un peu d’aplomb, mais j’avais pas toujours la vaillance ni l’entrain. Quand on a toute l’atrocité en soi, on est pas si féru d’en faire jouir les autres. Ça les tente comme des enfants de tomber dans le feu. Par exemple elle me donnait du goût malgré tout pour le vice et je l’enculais à présent avec bien du plaisir, malgré mes calamités. Le dedans de l’homme c’est un métro, y a des étages et des étages, à mesure qu’on va plus bas on se dégoûte davantage, mais y a quand même des distributeurs même au plus bas, avec du chocolat, des petits jouirs, des bonbons… Canta il me prévenait :

— Lui casse pas le pot trop souvent à ta ménesse, laisse-lui quelque chose à désirer, c’est une insatiable, plus que tu lui en fais, plus qu’elle en imagine… En 1908 j’en avais une toute pareille à Bizerte en Tunisie. À la fin elle reluisait plus qu’avec un sabre dans la fente, un vrai avaleur, tu te rends compte ?… Je l’ai refilée à un Sidi… qu’ils se démerdent… Qu’elle s’assassine par le trou du cul… je suis pas bon… tu vois ça d’ici ?…

Cantaloup question qu’on aille à la gare chercher Purcell, ça lui plaisait pas. Ça nous faisait remarquer.

— Je vais vous donner Aumone et Bijou, ça fera mieux famille…

De quoi qu’il avait peur ? Qu’on nous enlève ?… Il devait avoir des avertissements.

Les gares anglaises, même quand c’est une parfaite salade de bagages et de voyageurs, et de trains qui poustouffent, c’est encore bien sournois, discret et méditatif. Déchirements, contentements de se retrouver, tout ça prend des gants. Les quais à l’époque étaient encore en bois et fort surélevés. Les griffetons kaki s’en allaient dans la douceur vers leurs wagons, comme sur la pointe des pieds, avec armes et bagages. Ils avaient des bonnes manières de fantôme déjà. Son train à Purcell est arrivé avec du retard. Il avait l’air assez content de nous retrouver. Il montrait de l’amitié, pour un Anglais. En uniforme il faisait drôle, avec son bide comme on en voit plus, et des leggins en mollets bouffis à péter. Il soufflait vers la sortie. Il avait dû surbouffer dans les états-majors. Sa tronche qui rutilait déjà c’était plus que du sang. Il souffrait de sourire tellement c’était tendu. Je lui ai demandé si on allait la gagner bientôt la guerre. On était seulement en 16, faut se rendre compte. Il a fait le petit secret. Il a mis deux doigts sur sa bouche.



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