l'invention de Morel by Adolfo Bioy Casares

l'invention de Morel by Adolfo Bioy Casares

Auteur:Adolfo Bioy Casares
La langue: fr
Format: mobi, epub
Tags: Fantastique
Éditeur: 10/18
Publié: 1940-03-10T23:00:00+00:00


Je vais rapporter très fidèlement les faits dont j’ai été témoin entre hier soir et ce matin, des faits si invraisemblables, que la réalité n’a pas dû les produire sans mal… Il apparaît maintenant que la véritable situation ne soit pas celle qui a été décrite dans les pages précédentes ; que la situation que je vis ne soit pas celle que je crois vivre.

Quand les baigneurs furent partis s’habiller, je décidai de veiller jour et nuit. Cependant, je considérai bien vite que cette mesure ne se justifiait pas.

Je m’en allais, lorsque le jeune homme aux sourcils touffus et aux cheveux noirs se montra. Une minute plus tard, je surpris Morel qui faisait le guet, caché dans l’embrasure d’une fenêtre. Morel descendit les marches du perron. Je n’étais pas loin. Je pus entendre :

— Je n’ai pas voulu parler parce qu’il y avait du monde. J’ai à vous parler de quelque chose, à vous et à quelques autres.

— Allez-y.

— Pas ici, dit Morel, scrutant les arbres avec méfiance. Cette nuit, lorsque tout le monde s’en ira, restez.

— Mort de sommeil ?

— Tant mieux. Le plus tard possible sera le mieux. Mais, surtout, soyez discret. Je ne veux pas que les femmes soient au courant. L’hystérie me rend hystérique. Bonsoir.

Il s’éloigna en courant. Avant d’entrer dans la maison il regarda derrière lui. Le jeune homme commençait à monter les marches. Morel, de quelques gestes, l’arrêta et l’autre s’en alla faire un tour, les mains aux poches, en sifflotant maladroitement.

J’essayai de réfléchir à ce que j’avais vu, mais le cœur n’y était pas. Je me sentais inquiet.

Il s’écoula environ un quart d’heure.

Un autre barbu, un gros homme chenu, dont je n’ai pas encore parlé dans ce rapport, apparut au bout du perron et promena au loin un regard circulaire. Il descendit, puis demeura en face du musée, immobile, apparemment troublé.

Morel revint. Ils s’entretinrent une minute. Je pus entendre :

– … si je vous disais que tous vos actes et vos paroles étaient enregistrés ?

— Cela importerait peu.

Je me demandai s’ils avaient découvert mon journal. Je résolus de me tenir en état d’alerte. Repousser les tentations de la fatigue et de la distraction. Ne pas me laisser surprendre.

Le gros resta de nouveau seul, indécis. Morel apparut avec Alec (jeune, oriental et olivâtre). Ils s’en allèrent tous les trois.

Alors sortirent des messieurs et des serviteurs, ceux-ci portant des chaises de paille qu’ils placèrent à l’ombre d’un arbre à pain, grand et malade. (J’en ai vu quelques exemplaires moins développés dans une vieille villa, à Los Teques). Les dames occupèrent les chaises ; autour d’elles, les hommes s’étendirent sur le gazon. Je me remémorai d’autres soirs dans la patrie.

Faustine passa, se rendant aux rochers. Qu’il est gênant d’aimer ainsi cette femme ! (et ridicule : nous ne nous sommes par parlé une seule fois). Elle portait une robe de tennis, la tête ceinte d’un foulard presque violet. J’imagine ce que représentera pour moi le souvenir de ces foulards, lorsque Faustine sera partie !

J’avais envie de m’offrir à lui porter son sac ou sa couverture.



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