L'Intelligence des fleurs by Maurice Maeterlinck

L'Intelligence des fleurs by Maurice Maeterlinck

Auteur:Maurice Maeterlinck [Maeterlinck, Maurice]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Essai et Chronique, Éducation, Société, Littérature belge, 20e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2020-06-18T00:00:00+00:00


XVI

Il n’est pas facile de faire comprendre, sans figures, le mécanisme extraordinairement complexe de l’Orchidée ; j’essayerai néanmoins d’en donner une idée suffisante, à l’aide de comparaisons plus ou moins approximatives, tout en évitant autant que possible l’emploi des termes techniques, tels que rétinacle, labellum, rostellum, pollinies, etc., qui n’évoquent aucune image précise chez les personnes peu familières avec la Botanique.

Prenons l’une des Orchidées les plus répandues dans nos contrées, l’Orchis maculata, par exemple, ou plutôt, car elle est un peu plus grande et par conséquent d’observation plus facile, l’Orchis latifolia, l’Orchis à larges feuilles, vulgairement appelée Pentecôte. C’est une plante vivace qui atteint de trente à soixante centimètres de hauteur. Elle est assez commune dans les bois et les prairies humides, et porte un thyrse de petites fleurs rosâtres qui s’épanouissent en mai et en juin.

La fleur type de nos Orchidées représente assez exactement une gueule fantastique et béante de dragon chinois. La lèvre inférieure très allongée et pendante, en forme de tablier dentelé ou déchiqueté, sert de pied-à-terre ou de reposoir à l’insecte. La lèvre supérieure s’arrondit en une sorte de capuchon qui abrite les organes essentiels ; tandis qu’au dos de la fleur, à côté du pédoncule, s’abaisse une espèce d’éperon ou de long cornet pointu qui renferme le nectar. Chez la plupart des fleurs, le stigmate ou organe femelle est une petite houppe plus ou moins visqueuse qui, patiente, au bout d’une tige fragile, attend la venue du pollen. Dans l’Orchidée, cette installation classique est devenue méconnaissable. Au fond de la gueule, à la place qu’occupe la luette dans la gorge, se trouvent deux stigmates étroitement soudés, au-dessus desquels s’élève un troisième stigmate modifié en un organe extraordinaire. Il porte à son sommet une sorte de pochette, ou plus exactement de demi-vasque qu’on appelle le rostellum. Cette demi-vasque est pleine d’un liquide visqueux, dans lequel trempent deux minuscules boulettes d’où sortent deux courtes tiges chargées à leur extrémité supérieure d’un paquet de grains de pollen soigneusement ficelé.

Voyons maintenant ce qui se produit lorsqu’un insecte pénètre dans la fleur. Il se pose sur la lèvre inférieure, étalée pour le recevoir, et, attiré par l’odeur du nectar, cherche à atteindre, tout au fond, le cornet qui le contient. Mais le passage est, à dessein, très rétréci ; et sa tête en s’avançant heurte forcément la demi-vasque. Aussitôt celle-ci, attentive au moindre choc, se déchire suivant une ligne convenable, et met à nu les deux boulettes enduites du liquide visqueux. Ces dernières en contact immédiat avec le crâne du visiteur s’y attachent et s’y collent solidement, de façon que, lorsque l’insecte quitte la fleur, il les emporte et, avec elles, les deux tiges qu’elles soutiennent et que terminent les paquets de pollen ficelés. Voilà donc l’insecte coiffé de deux cornes droites, en forme de bouteille à champagne. Artisan inconscient d’une œuvre difficile, il visite une fleur voisine. Si ses cornes demeuraient rigides, elles iraient simplement frapper de leurs paquets de pollen les paquets de pollen dont les pieds trempent dans la vasque vigilante, et du pollen qui se mêlerait au pollen ne naîtrait aucun événement.



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