L'Infinie patience des oiseaux by David Malouf

L'Infinie patience des oiseaux by David Malouf

Auteur:David Malouf
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction, General, Biography & Autobiography
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2018-01-31T23:00:00+00:00


* * *

1. En français dans le texte, de même que plus loin toutes les expressions en italique suivies d’un astérisque.

12

Souvent, ainsi que Jim le découvrit plus tard, on entrait dans la guerre par une brèche d’aspect ordinaire dans une haie. L’instant d’avant vous étiez dans un champ labouré, avec entre les crêtes des creux emplis de neige qui indiquaient l’emplacement des anciens sillons, et des paysans au loin en train de déterrer des navets ou de couper des choux d’hiver, et l’instant d’après vous aviez traversé la haie et vous vous retrouviez sur des caillebotis ; et quand bien même vous auriez pu regarder en arrière et apercevoir encore des cultivateurs au travail ou observant d’un air renfrogné les soldats passer sur leurs terres et s’enfoncer lentement dans le sol, il y avait toute la différence du monde entre votre situation et la leur. Ils étaient dans un champ et pour ainsi dire chez eux. Vous étiez dans le système des tranchées qui conduisait à la guerre.

Mais à Armentières, cette toute première fois-là, c’était depuis le centre-ville qu’on arrivait à la guerre. Après avoir traversé la Place de Onze-heures-et-demie (on l’appelait ainsi parce que c’était l’heure à laquelle l’horloge de l’hôtel de ville s’était arrêtée lors d’un des premiers bombardements ; tout ici avait été renommé, et puis nommé encore tandis que lieux et rues, un bosquet, un corps de ferme renonçaient à leur histoire ancienne et entraient dans la nouvelle), vous tourniez à gauche puis traversiez la Place des Barbelés jusqu’à vous trouver devant un grand bâtiment rouge appelé le Magasin des Cuissardes. Là, après avoir été équipé de bottes en caoutchouc qui vous arrivaient à mi-cuisse, et avoir piétiné quelques minutes pour vous habituer à les porter, vous étiez emmené dans les sous-sols d’un autre bâtiment plus grand, en brique celui-là, qui était un asile d’aliénés ; à partir de là, empruntant l’Allée des Fous, vous rejoigniez les lignes. L’Allée des Fous commençait comme une rue pavée, puis devenait un chemin de terre, et, avant d’avoir pleinement réalisé ce qui vous arrivait, vous vous retrouviez sur des planches. À partir de là, en dépit de tous leurs tours et détours, les caillebotis conduisaient tout droit à la guerre.

Ils entamèrent la montée au crépuscule et, le temps que la nuit tombe et que les premières fusées éclairantes soient visibles, projetant leur éclat jaune sur le dessous des nuages et retombant parfois dans une pluie d’étoiles scintillantes, ils avaient atteint la ligne de soutien, trébuchant dans l’obscurité à travers un dédale de boyaux de communication, d’entretoises et de banquettes de tir arrondies, trimballant bidons d’eau, gamelles, outils de fortification, grognant sous l’effort pour tâcher de tenir le rythme et complètement aveugles, hors l’avertissement, passé d’homme en homme, de la présence d’un trou au-devant dans le caillebotis glissant – Mais où ? À quelle distance ? Est-ce que je suis déjà dessus ? – ou d’un obstacle en barbelés au-dessus de leur tête.

Plus ils s’enfonçaient, pire ça devenait. Par endroits, les



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