L'image by Galzy Jeanne

L'image by Galzy Jeanne

Auteur:Galzy,Jeanne [Galzy,Jeanne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
Éditeur: Gallimard
Publié: 1952-09-21T09:28:25+00:00


C’étaient en effet les dernières semaines de l’année scolaire, ces semaines brûlées d’été où il eût fait si bon être libre. Et justement, on l’était moins que jamais. Pourquoi donc les familles gardaient-elles l’habitude, comme si la ruine était à leur porte, d’exiger que leur fille passât cet examen de Troisième, à peine plus prisé que le certificat d’études et pour sûr moins connu.

À ce B.E.P.C., le Trio tenait à honneur d’avoir les premières places. Il n’était plus question pour elles d’aller se promener sur la Terrasse. Chacune regagnait sa maison après s’être dit au revoir. Simone se détachait la première du groupe. Les deux autres faisaient encore ensemble un bout de chemin et se séparaient à leur tour.

Élisabeth remontait du Lycée derrière elles. Elle les regardait de loin avec une intime satisfaction. C’était fini. Elle les avait domptées.

Il y avait bien la perspective déplaisante de l’examen. Mais pourquoi se tourmenterait-elle ? À force d’essayer d’apercevoir ce qu’écrivaient ses voisines, elle avait acquis des yeux de lynx. Dans tous les sens, elle pouvait déchiffrer les écritures, et même, sans se servir de miroir, rétablir les signes séchés sur un buvard. Autrefois, pendant les compositions, elle empruntait le leur à ses voisines, y recueillait les renseignements qu’on ne lui eût point donnés. Mais, cette fois, Carole serait là. La reconnaissance la forcerait à lui rendre service.

Aussi Élisabeth avançait-elle mollement vers la boulangerie-pâtisserie paternelle. Elle prenait le temps d’admirer les robes offertes à la fantaisie des clientes étrangères séjournant dans des hôtels de luxe. C’étaient pour ces Américaines, entraînées à la marche, qui foulaient les vieux pavés de leurs pas dominateurs, pour les Brésiliennes indolentes qui se faisaient conduire dans leurs voitures trop blanches. Pas pour elle, Élisabeth. Pourtant elle n’était pas plus mal qu’une autre, et elle regardait son reflet dans la vitrine, à l’endroit où se déployaient des vêtements sombres qui transformaient la glace en miroir. Ce reflet incertain idéalisait les traits mous, le visage gras, les boucles et leur blondeur fade. Il en naissait une Élisabeth un peu floue, presque séduisante, à qui cette petite robe de soie à légers ramages eût convenu. Ah ! si seulement elle pouvait avoir cette robe !

Et, dans chaque boutique de luxe, elle faisait ainsi un choix et, devant chacune, prenait une idée plus avantageuse d’elle-même. Il serait bien temps, hélas ! de revenir à la réalité lorsque la porte de la boulangerie-pâtisserie s’ouvrirait, avec ce déclic qui mettait en branle le timbre, et qu’elle verrait, dans ce panneau de glace fait pour agrandir la boutique en la reflétant, cette Élisabeth qui entrait avec son sac d’écolière, sa chemisette à pois, sa petite jupe rallongée par une bande d’étoffe unie, sa figure congestionnée et ses boucles un peu défaites, comme fondant à la chaleur.

*

Madame Ganne avait pris les décisions. Elle s’était informée. Carole passerait en Seconde. Elle avait fait toutes les compositions, avait bien au-delà des moyennes exigées. L’examen du B.E.P.C. était inutile.

— Vous croyez, Ganne ? s’étonnait Mine.

De son temps rien n’existait de tel.



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