L'idiot 2 by Dostoievski

L'idiot 2 by Dostoievski

Auteur:Dostoievski [Dostoievski]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-04-15T17:00:00+00:00


II

Hippolyte s’était installé depuis déjà cinq jours dans la maison de Ptitsine. La séparation s’était arrangée assez naturellement, sans tiraillements ni brouille, entre le prince et lui ; non seulement ils n’avaient pas eu de discussion, mais encore ils donnaient l’impression de s’être quittés en bons termes. Gabriel Ardalionovitch lui-même, si hostile à l’égard d’Hippolyte dans la soirée que nous avons relatée, était allé lui rendre visite deux jours après l’événement ; il obéissait sans doute à une arrière-pensée qui lui était venue inopinément. Rogojine se mit aussi à fréquenter le malade, on ne sait trop pour quel motif. Au début, le prince avait pensé que le « pauvre garçon » trouverait lui-même avantage à déménager de chez lui. Mais, quand il changea de logis, Hippolyte souligna qu’il allait s’installer chez Ptitsine « qui avait eu la bonté de lui offrir un abri » ; comme à dessein, il ne souffla pas mot de Gania, bien que ce dernier eût insisté pour qu’on le reçût à la maison. Gania s’en était aperçu et cette offense lui était restée sur le cœur.

Il avait dit vrai quand il avait annoncé à sa sœur que le malade se rétablissait. En effet Hippolyte se sentait un peu mieux qu’auparavant et l’on pouvait s’en rendre compte au premier coup d’œil. Il entra dans la chambre sans se presser, à la suite de tous les autres, un sourire ironique et malveillant sur les lèvres. Nina Alexandrovna donnait les signes d’une vive frayeur. (Elle avait considérablement changé et maigri au cours des six derniers mois ; depuis qu’elle avait marié sa fille et était venue habiter chez elle, elle avait l’air de ne plus se mêler des affaires de ses enfants.) Kolia était soucieux et comme perplexe ; bien des choses lui échappaient dans cette « folie du général », comme il disait, car il ignorait naturellement les raisons véritables du nouveau désarroi qui régnait dans la maison. Mais, à voir son père manifester à tout moment et à tout propos une humeur si querelleuse, il devenait clair pour lui que celui-ci avait brusquement changé et n’était pour ainsi dire plus le même homme. Le fait même que le vieillard eût complètement cessé de boire depuis trois jours avivait son inquiétude. Il savait qu’il avait rompu avec Lébédev et avec le prince, et même qu’il s’était disputé avec eux. Il venait justement de rapporter un demi-stof36 d’eau-de-vie acheté de ses propres deniers.

– Je t’assure, maman, affirmait-il à Nina Alexandrovna quand ils étaient encore à l’étage supérieur, je t’assure qu’il vaut mieux le laisser boire. Voilà trois jours qu’il n’a rien bu ; de là vient son humeur noire. Vraiment, cela vaudrait mieux ; je lui portais de l’eau-de-vie même quand il était à la prison pour dettes...

Le général ouvrit la porte toute grande et s’arrêta sur le seuil ; il avait l’air frémissant d’indignation.

– Mon cher monsieur, cria-t-il à Ptitsine d’une voix tonitruante, si réellement vous avez résolu de sacrifier à ce blanc-bec et à cet athée



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