L'Honorable Monsieur Jacques by André Dhôtel

L'Honorable Monsieur Jacques by André Dhôtel

Auteur:André Dhôtel
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 618655cf7b9e2f4f0f72471fcaf33f33d576000d
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2015-07-14T16:00:00+00:00


Un mois plus tard... Les premières roses sur les grilles de la petite maison d'école restaient éclatantes dans le soleil voilé. La matinée avait commencé dans une fraîcheur infiniment gracieuse. Et puis très vite, un chapelet de légers nuages avait entouré tous les points de l'horizon. De Mauterre on les apercevait juste au-dessus des collines. Le haut du ciel pâlissait. Il n'y avait pas de vent.

– Est-ce pour aujourd'hui ? se demandait-on de porte en porte.

Depuis une semaine on avait souvent posé cette question à Rosalie qui devait, selon les gens, interpréter mieux que personne les menaces d'orage. Rosalie répondait : « Vous verrez bien. » On fauchait les premiers foins.

Ce jeudi du début de juin Rosalie avait corrigé les cahiers de la trentaine d'élèves de tous âges qui fréquentaient l'école de Mauterre. Puis elle s'était assise auprès de la fenêtre pour regarder les roses. Étonnée par la clarté de l'heure matinale, elle n'était plus institutrice et n'appartenait à rien ni à personne. Dans le calme des campagnes il arrive qu'on ne sait plus vraiment qui on est.

Le facteur survint, alors que le ciel ne s'était pas encore voilé. Rosalie l'avait attendu sur le seuil. Quelques prospectus, un journal.

– Rien d'autre ? demanda Rosalie.

Comme d'habitude Augustin fouilla dans son sac et feuilleta un paquet de lettres. Il y avait encore au fond de l'air un parfum de rosée. Augustin en triturant son courrier ne manqua pas de regarder à la dérobée le visage et les yeux dorés de Rosalie. Une lettre tomba sur le carreau. Augustin la ramassa vivement. Rosalie lui saisit le poignet :

– Laissez-moi voir. Je crois que j'ai aperçu mon nom sur l'enveloppe.

– Votre nom ? Pas possible...

Augustin chercha vainement à escamoter la lettre.

– Je lis bien, dit la jeune fille : Rosalie Aumousse, École communale. Mauterre.

– Pas possible, répéta Augustin. Mais il n'y a pas de timbre sur l'enveloppe. Quelqu'un m'aura fourré cette lettre dans mon sac.

– Donnez-moi cette lettre, dit Rosalie.

– Je n'ai pas le droit. Je devrais vous faire payer la taxe. D'abord il me faut savoir qui c'est et lui demander de mettre un timbre.

– Mettez-y un timbre vous-même, et donnez-la-moi.

Augustin semblait désespéré.

– Puisque vous insistez, dit-il enfin. Attendez, attendez...

Il tira une feuille de timbres de son sac, en détacha un de façon minutieuse, le colla sur l'enveloppe, puis avec un crayon il fit une croix dessus.

– Voilà, c'est régulier. Vous me direz d'où elle vient cette lettre.

Rosalie la prit et l'ouvrit brusquement. À l'intérieur, il n'y avait qu'une superbe feuille blanche. Ce n'était rien d'autre que la lettre imaginaire qu'Augustin adressait à Rosalie depuis un an. Tout récemment la lettre était devenue réelle mais rien qu'en ce qui concerne le papier. Rosalie fit semblant de lire puis elle regarda Augustin droit dans les yeux.

– Une lettre d'amour, dit-elle. Je n'en ai jamais reçu d'aussi belle.

– Alors ça serait indiscret de vous demander qui c'est, dit Augustin d'une voix tremblante.

Il tourna le dos, et fila par la porte de la grille qui était restée entrebâillée et qu'il claqua.



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